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Pour un accès au travail légal pour des milliers de travailleur.euse.s sans papiers en région bruxelloise

Il est indispensable d’avancer sur le droit au séjour en établissant, au niveau fédéral, des critères clairs et permanents de régularisation qui permettent à des milliers de personnes qui vivent ici de manière irrégulière d’exercer leurs droits fondamentaux[1]. Parallèlement, au niveau régional, le gouvernement doit user de ses compétences pour favoriser l’accès au travail légal sur son territoire pour sortir de leur situation critique les personnes sans papiers surexploitées dans la région[2].

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La directive européenne « Permis Unique », mise en œuvre depuis le 03/01/2019, vise à harmoniser les procédures en Europe en permettant une simplification administrative et des droits égaux pour tou.te.s les travailleurs.ses dans le cadre d’un travail salarié. Ce permis ouvre en même temps le droit au travail légal (l‘accès à l’emploi étant une compétence régionale en Belgique) et le droit au séjour (compétence fédérale en Belgique) pendant la durée du contrat de travail. Mais, aujourd’hui, ce permis reste inaccessible aux milliers de travailleur.euse.s sans papiers qui séjournent déjà sur le territoire de façon irrégulière. En outre, ses conditions d’octroi (courte durée, secteur et employeur spécifiques, procédure disqualifiante et à l’initiative de l’employeur, …) pèsent sur le.a travailleur.se et n’exercent aucune pression sur l’employeur véreux laissant ainsi le.a travailleur.euse abusé.e aux prises avec ce dernier. En conséquence, les travailleur.euse.s ne portent pas plainte et n’ont pas même la possibilité de changer d’employeur pour mener un vie conforme à la dignité humaine. Pourtant iels exercent souvent des fonctions essentielles et jouent un rôle fondamental dans notre société à l’heure où 220.000 fonctions sont officiellement considérées comme « critiques » ou « en pénurie ».

Les premiers résultats d’une recherche transnationale menée par l’ULB[3] sur les conditions de vie et de travail des ressortissants de pays-tiers permettent déjà de documenter l’exploitation des travailleurs.ses migrant.e.s, a fortiori sans papiers, occupé.e.s en Europe avec un permis unique. Parmi les pays observés (en plus de la République tchèque et de l’Espagne), la Belgique démontre la gravité exponentielle de répercussions similaires : refus de payer, arriérés de salaire de long terme, longues heures de travail, traitement dégradant, traitement inhumain, … Pour illustrer la dépendance accrue vis-à-vis des patrons abuseurs, nous pourrions prendre le cas d’un affilié de la CSC, Monsieur X, qui a dû payer des milliers d’euros à son employeur pour rester en fonction et ne pas perdre son droit de séjour en Belgique.

Dès 2023, la révision des conditions de demande et de délivrance du permis unique en région bruxelloise aurait pu permettre aux Ministres régionaux en place de tirer avantage de leurs prérogatives afin de mettre en œuvre des mesures qui permettent de porter plainte et de changer d’employeur quel que soit le statut de séjour, a fortiori en cas de plainte contre ce dernier. Le gouvernement aurait pu ouvrir un accès au travail digne et légal qui serait favorable aux milliers de travailleur.euse.s sans papiers exerçant différentes fonctions de manière non déclarée à Bruxelles, comme le revendiquent en front commun la CSC Bruxelles et la FGTB Bruxelles[4] ainsi que les partenaires sociaux à travers Brupartners[5]. Malgré un engagement d’Ecolo, du PS de Groen et de Vooruit (tous dans la majorité) pour avancer dans ce sens, l’opportunité n’a pas été saisie.

A l’heure où ni « l’activation des chômeurs » ni la mise au travail des demandeur.euse.s de protection internationale ne permettent de résorber la pénurie, la régularisation du travail des personnes sans papiers déjà en fonction nous paraît incontournable. Si le travail de 100.000 personnes sans papiers était régularisé, ce serait 69 millions d’euros nets/mois dans les caisses de la sécurité sociale.

👉AGENDA: Venez en discuter à la Soirée-débat “Imposer les droits des étranger.ère.s à l’agenda des élection 2024” ce mardi 30 janvier, dès 19h, à la JOC (rue d’Anderlecht, 4, 1000 Bruxelles)


[1] C’est dans ce sens que le MOC soutient notamment la campagne In My Name (https://www.imnplatform.be/)

[2] C’est dans ce sens que la Ligue des travailleuses domestiques, soutenue par l’ensemble du Comité des travailleurs.ses sans papiers/migrants de la CSC Bruxelles et par le MOC Bruxelles, défend avec détermination et ténacité 3 revendications-phares :

  • Protection contre les abus des employeurs durant toute la procédure de plainte par la délivrance d’un Permis Unique, la possibilité de changer d’employeur et une période de transition qui permette d’effectuer ces démarches et de les suivre
  • Accès légal au travail digne via l’assouplissement des procédures liées au Permis Unique
  • Accès aux formations professionnelles dans les secteurs en pénurie et les fonctions critiques essentielles, dont la liste est à revoir, notamment, afin de prévenir et de lutter contre la précarité accrue des femmes dans le travail clandestin.

[3] Amy Weatherburn avec le soutien de PICUM (Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants), du CNCD, de la CSC, de l’Association for Integration and Migration-SIMI (Czech Republic) et de la Fundación Cepaim (Spain)

[4] Les syndicats en front commun pour l’élargissement de l’accès au permis unique aux travailleur.euse.s sans papiers, 6 septembre 2023

[5] Brupartners.Brussels, Avis sur l’avant-projet d’ordonnance relative à la migration économique, 16 mars 2023 (A-2023-023-BRUPARTNERS-FR.pdf)

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