(Berne, le 22 septembre 2018)

Chou 108 – Construire les chemins de l’émancipation

   Edito

Par Thomas Englert
Secrétaire fédéral du MOC de Bruxelles

L’après 26 mai est un électrochoc. La montée de l’extrême droite doit nous interroger en tant que mouvement ouvrier. Ce vote est inscrit dans les dominations capitalistes, sexistes et racistes de notre société. Il est aussi la conséquence de choix politiques, en particulier, mais pas uniquement, du gouvernement MR-NVA.  Le caractère européen, voire mondial (voir Chou n°106), de la montée de partis d’extrême droite indique qu’une explication « flamande » ou « même belge » – l’abstention est très importante en Belgique francophone – raterait des éléments importants. Ce numéro sur l’Europe devrait donc permettre certains éclairages.

L’Europe sociale que les syndicats souhaitent mène un combat inégal face à l’influence de milliers de lobbyistes. Leur Europe basée sur l’austérité et les privatisations est synonyme d’inégalités et de précarité, en particulier pour les femmes. Redisons-le : l’Europe a trop souvent été la justification de mesures antisociales imposées en dépit des choix démocratiques des populations. A toute critique, nos dirigeants ont opposé le fameux « There Is No Alternative » (TINA). Ce slogan sert surtout à éviter tout vrai débat sur la répartition des richesses, l’organisation économique et sociale, le droit à la santé, au logement… En dépolitisant, on nous a retiré notre pouvoir de décider.

En même temps, la rhétorique de la « crise des réfugiés » – pourtant démentie par tous les chiffres – a amplifié la peur. Les milliers de morts en Méditerranée banalisent l’horreur et déshumanisent « l’autre ». De plus, la stigmatisation « des musulmans » au nom de la « guerre contre le terrorisme » a produit un discours sur des citoyens ‘pas vraiment européens’, qui seraient en réalité des ennemis de « notre société ». Ces politiques s‘appuient sur le racisme et le banalisent, et elles n’ont pas été le fait de la seule extrême droite !

La rhétorique de l’extrême droite se situe dans ce champ politique dont les paramètres ont été définis depuis des décénies. Le message du Vlaams Belang c’est qu’il faut choisir entre une bonne pension où les migrant.e.s vu.e.s au travers des tweets de Francken. Enfermés dans la cage du TINA, le racisme est la justification pour « se nourrir » aux dépens de « l’autre ».

On sait pourtant que l’extrême droite n’est pas porteuse de progrès social : les politiques menées par les partis d’extrême droite là où ils sont au pouvoir (voir Chou n°106), la démission des élues Vlaams Belang, les voix critiques menacées de mort en Flandre, … tout cela le montre. On ne fait pas la morale face à un vote de droite extrême ou d’extrême droite. Il faut combattre le racisme et le patriarcat sans concessions. Notre compréhension du monde se fonde sur les rapports économiques capitalistes entre les travailleur.euse.s[1] et celles et ceux qui exploitent le travail des autres. Re-politiser l’organisation économique et la répartition des richesses, c’est reconstruire le contrôle démocratique des premiers, notre contrôle démocratique, sur la société.

Comme mouvement ouvrier, notre rôle est de construire l’alternative à l’exploitation et au racisme en construisant les moyens de la réaliser. Il ne suffit pas de montrer la cage, il faut construire le chemin pour en sortir : construire, animer et soutenir des luttes collectives et démocratiques porteuses de revendications radicales et réalistes à la hauteur des besoins.

 

[1] Tous ceux et celles qui vivent de leur force de travail, avec ou sans emploi, avec ou sans papiers, aux études, malades ou pensionnés,…

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