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Chou 106 – Vaincre l’internationale brune

Édito

 

Par Gilles Maufroy
Secrétaire fédéral adjoint

«Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent des monstres». Cette fameuse phrase inspirée par une figure de la gauche italienne, Antonio Gramsci, alors emprisonné par les fascistes, pourrait tout aussi bien illustrer la période politique dans laquelle nous sommes entrés ces dernières années. La crise mondiale qui a éclaté en 2008 a porté un coup extrêmement dur aux structures politiques établies, dans le monde et en Europe, à travers par exemple les révolutions en Afrique du Nord, le Brexit ou encore la polarisation politique en Belgique.

Le triomphe néolibéral des années 80 et 90 du siècle dernier est en un sens terminé, parce qu’une partie grandissante des classes populaires ne croit plus en ses promesses. Pour autant, le « néolibéralisme zombie » reste la seule perspective des formations politiques classiques en Europe. Cette politique renforce de plus en plus son arsenal répressif contre les mouvements sociaux et les populations issues de l’ancien monde colonial (migrant.e.s et racisé.e.s).

Quarante ans de néolibéralisme et de défaites sociales ont également amené certains secteurs du mouvement ouvrier à délaisser une lecture du monde, qui est toujours celle du MOC, qui caractérise le capitalisme, le sexisme et le racisme comme un système de domination à trois têtes. L’esprit de l’époque rend plus imaginable la fin du monde plutôt qu’un nouveau monde basé sur les besoins sociaux et la préservation de la Terre. Mais les travailleur.se.s, précarisé.e.s et pressé.e.s comme des citrons, et parmi eux plus encore les femmes, les jeunes et les personnes racisées, ressentent plus que jamais les méfaits du mode de production dans lequel nous vivons. Quand on les prive de perspectives basées sur l’émancipation par l’action collective, certain.e.s cherchent l’explication à leur misère dans des fables de « conspirations occultes », ou chez celles et ceux qui sont encore plus exploité.e.s et opprimé.e.s, des rives de la Méditerranée aux soins domestiques ici. A gauche aussi existe la tentation de copier certaines méthodes du populisme de droite, en guise de raccourci vers un succès dans les urnes : culte du chef, du patriotisme et des frontières dures. Morbides illusions.

La nouvelle extrême-droite se nourrit de la démoralisation et de la passivité de notre camp social. Si la Belgique francophone et Bruxelles semblent pour l’instant épargnées du point de vue électoral, le poison d’extrême-droite reste bien présent dans la société et influence les mesures prises par la coalition Michel-De Wever et leur message politique. Dans la perspective des super-élections de 2019, nous décodons ces extrêmes droites 2.0, des USA aux Philippines en passant par l’Amérique Latine et bien sûr l’Europe et la Belgique. Nous tentons ici de comprendre quels sont les traits majeurs de l’internationale brune émergente, par quels moyens celle-ci renforce son emprise et les dangers mortels qu’elle représente pour la majorité de la population. Pas pour jouer à se faire peur, mais bien pour armer nos critiques et nos luttes collectives, envers l’enjeu brûlant de l’antifascisme et des tâches qui en découlent pour le mouvement ouvrier de notre temps.

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