Rassemblement de la Ligue des travailleuses domestiques en présence de la députée française de la France Insoumise . Les membres de la Ligue des travailleuses domestiques sans papier, a porté plainte à la cours européenne des droits de l'homme, pour non respect de leurs droits par le gouvernement belge.

Le gouvernement bruxellois et son Ministre de l’Emploi condamnés par le « Tribunal du Courage Politique » de la Ligue des Travailleuses Domestiques

Par Céline Caudron, secrétaire fédérale du MOC Bruxelles

Le 16 juin, les travailleuses domestiques sans papiers organisées au sein de la Ligue de Travailleuses Domestiques de la CSC Bruxelles avec le soutien du MOC Bruxelles ont fait grève pour la deuxième année consécutive[1]. En matinée, elles ont tenu un « tribunal du courage politique », une action remplie d’émotions, impressionnante de force et de détermination, qui a rassemblé plus de 300 personnes en soutien aux 34 grévistes déclarées et aux centaines de collègues qui leur avaient donné procuration pour les représenter. L’après-midi, elles ont organisé une discussion avec des travailleuses du large secteur du soin à domicile qui, en Belgique et à l’étranger, se battent pour leurs droits et pour améliorer leurs conditions de travail. 

Le 16 juin, à nouveau, les travailleuses domestiques sans papiers ont fait grève pour démontrer à quel point leur travail, maintenu dans l’ombre, est essentiel au bien-être des particuliers. Exploitables à merci, elles s’occupent à la fois du ménage, des repas, des enfants, des personnes âgée et dépendantes, sans formation adéquate ni, bien sûr, conditions de travail adaptées.

Une grève pour revendiquer auprès de la région bruxelloise l’accès au « permis unique » leur donnant droit au séjour, au travail et à la formation, ainsi que la protection en cas de plainte contre un patron abuseur. Aujourd’hui, ces travailleuses sans permis de séjour et donc sans accès au travail légal sont obligées d’accepter un travail non déclaré, impliquant quantités d’abus et toutes leurs conséquences sur la santé physique et morale : absence d’horaires, charge de travail énorme, « salaire » ridicule sans cotisations sociales, harcèlement et violences,  … Pourtant, le large secteur du soin à domicile, très fortement féminisé, rassemble divers métiers pour lesquels le manque de personnel disponible ne cesse d’accroitre la pression sur les salariées en poste.

Une grève pour pousser le gouvernement bruxellois (PS, Ecolo, OneBrussels, Groen, Defi, OpenVLD) et, en particulier, son ministre de l’emploi Bernard Clerfayt (Defi), à prendre ses responsabilités pour faire en sorte que des milliers d’habitant.e.s de la région qui vivent et travaillent ici depuis des années sans papiers puisse enfin accéder au travail légal. Pour l’instant, le ministre de l’emploi bruxellois continue de renvoyer la balle au fédéral en prétendant qu’il ne peut rien faire étant donné qu’il n’a pas de compétences en matière de séjour. Pourtant, il est bien compétent en matière d’emploi et de mise à l’emploi. Il faut « juste » un peu de courage politique pour agir en conséquence d’une situation qui, particulièrement à Bruxelles, est insoutenable à plusieurs niveaux. En premier lieu pour les travailleur.euse.s sans papiers, obligées d’accepter un travail non déclaré dans des conditions d’exploitation intolérables. Mais aussi pour les autres travailleur.euse.s dont les conditions de travail sont mises sous pression face à cette main d’œuvre exploitable à volonté qui alimente, bien malgré elle, le dumping social. Et enfin pour l’ensemble de la société car, si tou.te.s les travailleur.euse.s sans papiers pouvaient accéder au travail légal, iels cotiseraient également pour la sécurité sociale et alimenteraient ainsi ce système de solidarité qui en a bien besoin.

Elargir l’accès au permis unique aux travailleur.euse.s sans papiers déjà actif.ve.s sur le territoire serait une avancée sociale et économique importante pour la région et ses habitant.e.s. Depuis la 6e réforme de l’Etat, le gouvernement bruxellois dispose des compétences pour ce faire. En outre, la région est actuellement en défaut de transposition de directives européennes visant à protéger le victimes d’employeurs abuseurs. Ces directives doivent s’appliquer à tous les niveaux de pouvoir. Mais, dans la situation actuelle en Belgique et à Bruxelles, un.e travailleur.euse sans papier qui porte plainte contre son employeur risque l’expulsion du territoire. Ce risque, ajouté à la crainte des représailles, décourage bien souvent les victimes de porter plainte pour défendre leurs droits fondamentaux.

En novembre dernier, huit formations politiques ont déclaré soutenir les revendications de la Ligue des Travailleuses Domestiques. Quatre d’entre elles (PS, OneBrussels, Groen et Ecolo) sont dans la majorité gouvernementale bruxelloise. Mais rien ne bouge. Le Ministre bruxellois de l’emploi est blâmé pour son immobilisme mais aucun parti ne prend l’initiative de débloquer la situation. L’année électorale approche, nous nous en souviendrons !

Le 16 juin, la Ligue des Travailleuses domestiques a donné le ton. Au final d’une mise en scène dynamique et percutante qui a bénéficié d’une bonne couverture médiatique[2], ces travailleuses ont profité de ce tribunal fictif pour condamner Bernard Clerfayt et son gouvernement à remettre au centre l’intérêt supérieur des victimes quel que soit leur statut ; à élaborer une politique intégrée qui permette aux travailleuses abusées de porter plainte ; à valoriser les compétences acquises par les travailleurs et travailleuses dans l’exercice de leurs fonctions en mettant en place une formation qui professionnalise et encadre la transition vers un métier reconnu ; et enfin à mettre à jour son ordonnance concernant l’accès au permis unique afin que les travailleur.euse.s sans papiers puissent accéder à un travail légal et un salaire légal.

Au-delà de cette fiction, la Ligue des Travailleuses domestique a également porté plainte, dans la vie réelle, au niveau européen contre le ministère de l’emploi bruxellois pour non respect des directives européennes, de la Convention d’Istanbul et de la C189 de l’OIT garantissant les droits des travailleuses domestiques[3]. Elles demandent au Parlement européen l’envoi d’une délégation d’expert.es sur le terrain du travail domestique et du care afin de constater les conditions de travail et de vie indignes des principales concernées sur le lieu de travail.

Les militantes de la Ligue des Travailleuses Domestiques, fortes de leur détermination et de tous leurs soutiens, l’ont encore répété : nous ne laisserons plus cette situation perdurer : ça doit changer, ça va changer, tout change !

Crédits photo : James Morrisson © – Antoine Weber © – Hanslucas ©

[1] Pour un aperçu des motivations des grévistes, nous vous renvoyons à cette interview de 2022 à propos de la première grève des travailleuses sans papiers : https://mocbxl.be/la-ligue-des-travailleuses-domestiques-en-greve-le-16-juin/. Cette première journée de grève en 2022, marquée par l’organisation du « Parlement des Travailleuses Domestiques », est évoquée dans ctte courte video de ZinTV : https://zintv.org/video/le-parlement-des-travailleuses-domestiques/. Pour un aperçu des actions menées par la Ligue des Travailleuses Domestiques cette dernière année, c’est à lire ici : https://mocbxl.be/du-parlement-des-travailleuses-domestiques-au-tribunal-du-courage-politique/

[2] Plusieurs médias ont fait écho de cette matinée : BX1RTBFLa LibreDHLN24QuinoaStuut.infoRadio PanikDominic Botte

[3] Le texte de cette plainte est accessible en téléchargement ici

Partager cette publication

Articles similaires

Reprendre nos affaires en main!

À l’approche des élections, voici venue l’heure des bilans de l’action des majorités sortantes. De manière générale, ces bilans s’avèrent plutôt décevants pour celles et ceux qui ont cru aux promesses des partis dits « de gauche » qui, finalement, se sont contentés de gérer un système mortifère. Aucun gouvernement n’a opéré de réelle rupture avec les mécanismes d’oppression et d’exploitation, et cela même à Bruxelles où la coalition rouge-verte ne comptait pourtant que deux ministres étiquetés à droite (Open VLD et Defi).
Bien sûr, « ça aurait pu être pire », ça le peut toujours. La menace de la droite et de l’extrême droite est bien réelle, pas seulement en perspective de résultats électoraux mais aussi étant donné la façon dont les options sécuritaires, antisociales et discriminantes s’installent de plus en plus facilement au sein des partis dits démocratiques. Heureusement que, malgré ce contexte morose, des résistances se sont organisées pour freiner cette course vers le mur. (…) Elles ont démontré que, ensemble, nous ne sommes pas prêt.e.s à nous laisser faire en abandonnant si facilement nos droits légitimes, fort.e.s de notre solidarité et de notre créativité collective.
Dans le nouveau numéro de Mouvements, nous avons choisi de revenir sur certains enjeux qui nous paraissent essentiels pour les Bruxellois.es en perspective des élections du 9 juin.

Voir l'évènement >>