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Delhaize : une lutte sociale emblématique à plus d’un titre

Une carte blanche publiée sur lesoir.be le 15 avril
Carte blanche du MOC Bruxelles, le 13 avril 2023

Contact : celine.caudron@mocbxl.be

Le combat mené avec une force et une détermination admirables depuis un mois par les delhaizien.ne.s rejoint les combats menés sur divers fronts depuis de nombreuses années à travers le mouvement ouvrier et les mouvements sociaux pour l’amélioration des salaires, des conditions de travail et des conditions de vie. Comme beaucoup d’autres, le MOC Bruxelles a adopté une motion de solidarité avec ces travailleur.euse.s en lutte (https://mocbxl.be/motion-solidarite-delhaize/) et appelle à élargir le soutien à ce combat, dans tout le secteur du commerce et même au-delà, en interpellant également les responsabilités politiques.

Battre en brèche le dumping social qui fait des ravages partout

Avec la franchisation, les travailleur.euse.s du commerce perdent une bonne partie de leurs droits :  salaires inférieurs de plus ou moins 25% par rapport aux intégrés, frais de déplacement moins bien remboursés, travail le dimanche et les jours fériés, diminution du personnel jugé « superflu » puisque rien ne garantit le maintien des emplois actuels, absence de représentation syndicale, … En refusant la franchisation, les travailleur.euse.s du commerce mènent bataille contre le démantèlement de leurs conditions de travail et pour une harmonisation vers le haut des droits de tou.te.s les travailleur.euse.s du secteur. C’est fondamentalement une lutte contre le dumping social qui fait rage dans tous les secteurs, comme l’illustre le cas de l’AD Delhaize de l’avenue Anspach à Bruxelles, un magasin franchisé, qui a été mis sous scellé il y a quelques semaines après qu’une inspection sociale ait révélé que, sur 20 travailleur.euse.s contrôlé.e.s, 8 n’étaient pas déclaré.e.s, dont une personne sans titre de séjour.

Tant qu’ils en ont la possibilité, les employeurs avides de profit ne se privent pas d’exploiter au maximum les travailleur.euse.s, et en particulier celles et ceux qui se trouvent déjà dans une situation précaire et n’ont ainsi pas d’autre alternative que d’accepter un « emploi » dans n’importe quelles conditions, au risque d’y laisser leur santé, voire leur vie. Cette « poche » de travailleur.euse.s surexploité.e.s permet de faire ensuite pression sur celles et ceux qui travaillent dans de meilleures conditions pour démanteler et réduire les droits qu’iels et leurs prédécesseur.euse.s sont parvenu.e.s à conquérir.   

Pour ne plus être contraint.e.s à cette précarité, les travailleur.euse.s sans papiers luttent depuis des années pour une régularisation qui leur ouvre enfin le droit de travailler légalement et de vivre dignement en bénéficiant des mêmes droits que les travailleur.euse.s en séjour régulier. Iels contribuent ainsi depuis longtemps au combat contre le dumping social. Tout comme les travailleur.euse.s sans emploi, mobilisé.e.s contre le contrôle et les sanctions qui les obligent à accepter n’importe quel job. Tout comme les étudiant.e.s, les intérimaires, les travailleur.euse.s de sous-traitants ou de plateforme qui se battent contre leur statut au rabais.

Faire barrage à l’appropriation des richesses sur le dos des travailleur.euse.s

Chez Delhaize, les patrons n’ont pas besoin de jouer à l’euromillion pour devenir « scandaleusement riches ». En 2022, le CEO du groupe a reçu une rémunération annuelle de 6,519 millions d’euros, soit 2.089 euros par heure alors que les salaires dans le commerce sont 30% inférieurs au salaire moyen en Belgique, soit de 14 euros/heure en début de carrière. Et ce n’est pas fini : avec leur « plan d’avenir », les dirigeants promettent une augmentation de 10,5% des dividendes qui ont pourtant plus que doublé en dix ans. Pourtant, en se défaisant des magasins intégrés, ils se déresponsabilisent également de la prise de risque qui, dans leur logique, justifie leur rémunération. En rejetant fermement ce plan, les Delhaizien.ne.s s’insurgent aussi contre les actionnaires et dirigeants de multinationales qui rabotent les salaires et augmentent les prix pour s’approprier toujours plus de richesses issues du travail des employé.e.s et ouvrier.ère.s. C’est un véritable hold-up, légitimé par la logique de marché capitaliste, qui n’impacte pas que les salarié.e.s. Les client.e.s, qui ont déjà du mal avec l’augmentation du côut de la vie, devront aussi supporter de nouvelles hausses de prix. Et les allocataires sociaux, qui pâtissent depuis des années du démantèlement de la sécurité sociale, prendront un nouveau coup puisque des salaires plus bas impliquent également des cotisations sociales plus basses alors que les caisses de la sécurité sociale devraient au contraire être renflouées. L’indignation et la colère des travailleur.euse.s de Dalhaize rejoignent ainsi clairement celles des milliers de travailleur.euse.s mobilisé.e.s dans les action syndicales ces derniers mois pour une augmentation des salaires et allocations et une diminution des prix des biens de première nécessité.

Défendre le droit à l’auto-organisation et à l’action syndicale

Enfin, en s’attaquant aux piquets et actions syndicales en sollicitant la justice et les forces de l’ordre, la direction de Delhaize joue le même jeu que le reste du patronat qui vise à anéantir les possibilités d’organisation collective des travailleur.euse.s pour la défense et la conquête de leurs droits. Ce n’est pas la première fois que les employeurs utilisent les tribunaux, les huissiers et la police pour tenter de casser des grèves et manifestations, en particulier celles qui leur font mal. En front commun et avec la solidarité de client.e.s et de travailleur.eur.s d’autre enseignes et d’autres secteurs, les employé.e.s et ouvrier.ère.s de Delhaize ont réussi ensemble à fermer des dizaines de magasins pendant un mois et à bloquer plusieurs dépôts à des moments stratégiques, utilisant ainsi leur force collective pour maximiser les chances de faire pencher ce conflit social en leur faveur, comme l’ont fait des générations avant elleux. Certes, ces mobilisations déterminées et solidaires aboutissent parfois à des défaites. Mais elles ont toutes clairement été indispensables aux belles victoires.

Quid des responsabilités patronales et gouvernementales ?

Si l’attitude des dirigeants de Delhaize est inacceptable, le laisser-faire dont font preuve les responsables politiques face à la façon dont ces patrons méprisent les lois sociales et le droit du travail l’est tout autant. Comme des collègues dans d’autres régions, le MOC de Bruxelles a interpellé les bourgmestres des communes bruxelloises où Delhaize compte franchiser des magasins intégrés pour qu’iels s’engagent à défendre un emploi de qualité et des commerces aux prix accessibles sur le territoire de leur commune, ainsi qu’à respecter le plein exercice du droit de grève en rejetant les éventuelles demandes de Delhaize d’envoyer la police communale sur les piquets. Particulièrement en cette période de préparation de l’année électorale, nous interpellerons également les partis sur leurs interventions et leurs intentions aux autres niveaux de pouvoir pour faire en sorte que les droits des travailleur.euse.s ne puissent pas être démantelés et appliquer des sanctions à l’égard des employeurs qui méprisent le droit du travail et alimentent le dumping social.

A plusieurs égards, le combat des travailleur.euse.s de Delhaize montre la voie d’une résistance à (re)construire pour inverser le rapport de force, en cherchant l’unité la plus large entre travailleur.euse.s de tous les secteurs à la poursuite de nos intérêts communs, une dynamique que  le MOC Bruxelles soutient et encourage, à l’approche de la mobilisation du secteur du commerce contre le dumping social le 17/4 et des mobilisations du 1e mai pour défendre les conquêtes sociales du mouvement ouvrier, nos droits et libertés et, surtout, en conquérir de nouveaux!

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