Sante

Faisons entrer la santé dans les communes

Nicolas Rossignol, Collaborateur politique Mutualité Saint-Michel
et Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes

Lorsqu’on parle de politique de santé, on ne pense pas directement au niveau communal. Les politiques de santé évoquées dans le débat public sont généralement celles portées au niveau international par l’OMS et l’Union Européenne, ou en Belgique, par les exécutifs fédéral et communautaires. Et pourtant… Les communes disposent d’importants leviers pour agir sur la santé des citoyen.ne.s, d’autant plus si l’on prend cette notion dans sa définition transversale, telle que défendue par l’OMS : « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », et qui est donc intimement lié aux déterminants socio-sanitaires que sont les modes de vie, le capital social, ainsi que les conditions socio-économiques, culturelles et environnementales. De là, il apparaît que l’ensemble des politiques communales recèle des aspects que l’on peut rapporter à la santé : la construction d’une piscine va stimuler la pratique du sport ; la création d’espace vert va améliorer le cadre de vie et la qualité de l’environnement ; l’octroi de subsides à des associations de quartier va renforcer les liens entre les habitant.e.s ; etc. Il est dès lors fondamental de (re)faire entrer la « santé » dans le débat communal, d’autant plus à l’approche des élections de 2018.

Le cadre limité de cet article ne nous permet pas de détailler l’ensemble des lignes sur lesquelles les communes bruxelloises devraient agir, sachant également que chaque commune a ses spécificités et donc des besoins différents. De plus, l’exercice participatif nous permettant de nourrir et d’affiner nos revendications doit encore avoir lieu. Néanmoins, en prenant appuis sur nos mémorandums précédents et sur notre connaissance du terrain bruxellois, nous pouvons déjà dégager trois rôles que les communes devraient, selon nous, embrasser avec plus d’ardeur.

Premièrement, un rôle d’informateur. Une condition primordiale pour bénéficier de droits sociaux est de pouvoir les faire valoir, et pour ce faire, de les connaitre. A cet égard, de multiples initiatives doivent être envisagées et/ou consolidées pour que les CPAS, les agents communaux, et les associations puissent au mieux informer les citoyens de manière coordonnée. Ce rôle sera d’autant plus important que la COCOM[1] s’apprête à prendre en charge de manière spécifique la gestion des matières transférées dans le cadre de la sixième réforme de l’État (allocation d’Aide aux Personnes Agées – APA, aides à la mobilité, organisation de la première ligne de soin, etc).

Deuxièmement, un rôle de facilitateur. De nombreuses associations sont actives dans les communes bruxelloises. Leur travail doit être soutenu par les pouvoirs communaux. De plus, il est primordial que les initiatives naissantes soient encouragées. Pensons notamment aux projets de logement-hébergement groupés, intergénérationnels, mixtes avec des personnes handicapées ou dépendantes, ou ayant des caractéristiques socio-économiques différentes. Ceux-ci recèlent un potentiel gigantesque et peuvent avoir un effet bénéfique sur plusieurs déterminants de la santé de manière intégrée. Les communes doivent faire confiance au monde associatif et en soutenir les initiatives qui agissent positivement sur la santé.

Troisièmement, un rôle d’animateur de la démocratie locale, pour tou.te.s et avec tou.te.s. Les communes bruxelloises doivent impérativement travailler à faire vivre la démocratie au-delà des publics aisément mobilisables. Dans la capitale, 46,5% des ménages sont des personnes isolées (pour 34,1% en Belgique)[2] et donc moins intégrées dans des réseaux sociaux et communautaires. Aussi, Bruxelles connait une surreprésentation de personnes âgées vivant en maison de repos, que certains ont appelé les « oubliés de l’isoloir »[3] tant la proportion de votants dans ces institutions est faible. Enfin, alors que de plus en plus de communes s’investissent dans la mise en place d’activités ouvertes à tous dans les espaces publics, celles-ci ne sont pas toujours aisément accessibles aux personnes porteuses d’un handicap. Une attention particulière à l’animation de la vie communale pour tous et avec tous doit donc être une préoccupation de tous les instants.

De manière transversale, on attend donc des communes bruxelloises qu’elles entreprennent ! Si les compétences « santé » des communes ne sont pas clairement balisées, c’est parce qu’elles sont potentiellement infinies. Les communes se doivent donc de répondre à des manques en constituant des alternatives publiques (ou en partenariat associatif) au « marché » pour organiser des services santé-social au sens large. Le contexte bruxellois se prête particulièrement à ces initiatives. Informateur, facilitateur, animateur au service de tous. La santé passe aussi par les communes !

 

Il faudra veiller à ce que les CPAS, les agents communaux, et les associations puissent au mieux informer les citoyens de manière coordonnée sur ces thèmes. Les communes devront aussi travailler à faire vivre la démocratie au-delà des publics aisément mobilisables, avec des activités accessibles aux personnes porteuses d’un handicap. Si nécessaire, elles devront constituer des alternatives publiques (ou en partenariat associatif) au « marché » pour organiser des services santé-social au sens large.

[1] COCOM : Commission communautaire commune de Bruxelles-Capitale

[2] Données au 1/1/2015 in Missinne S., Hercot D., Luyten S., Englert M., Deguerry M. Tableau de bord de la santé en Région bruxelloise – Contexte général. Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale. Commission communautaire commune. Bruxelles 2016

[3] Lamotte, P., « Les oubliés de l’isoloir », En marche, 2 juin 2011

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