art 2 IMG_7373

Travailleurs de la santé, unissez-vous !

Pablo Sanchez
Responsable des campagnes de la
Fédération syndicale européenne des Services publics FSESP / EPSU

Ces dernières semaines, des dizaines de milliers de travailleurs de la santé et des soins de santé participent à des actions et à des grèves dans toute l’Europe.

On a vu depuis 2 mois des grèves et manifs dans la santé publique ou non marchande en Irlande du Nord (le 2 décembre), aux Pays-Bas (le 20 novembre) , en Espagne (le 7 novembre et le 14 décembre), en Lettonie (le 7 novembre), en France (le 14 novembre, le 5 décembre dans le cadre des pensions, et les urgentistes sont en grève depuis des mois), en Allemagne (santé sans but lucratif est en grève dans plusieurs Ländern comme la Saxe le 1er Novembre) , en Suisse (le 5 novembre et encore en décembre), en Bulgarie (le 7 octobre). On voit aussi des luttes en Norvège, au Portugal et en Italie à l’échelle régionale… et évidemment aussi en Belgique !

Et les demandes, malgré la diversité des pays, sont similaires. Un financement public plus important est nécessaire pour fournir des services de qualité, avec des travailleurs, et très souvent des travailleuses bien rémunérés. Des années d’austérité ont laissé les systèmes de santé publics en crise.

La mobilisation en France a forcé le président français Emmanuel Macron à reconnaître cela dans son offre de financement, notamment pour les salaires, à la suite des manifestations du 14 novembre dans les maisons de retraite. Après des mois de grèves à travers le pays, les affiliés français de la Fédération Syndicale Européenne des Services Publics, l’organisation européenne qui organise la plupart des travailleurs de la santé, ainsi que de nombreuses autres organisations professionnelles et syndicats ont obtenu gain de cause. Maintenant il faut attendre et voir ce que Macron offrira, mais de nouvelles mobilisations sont déjà annoncées pour décembre pour maintenir la pression.

Le gouvernement letton avait également pris des engagements en matière de financement des soins de santé après les mobilisations, mais les syndicats et autres organisations ont manifesté à Riga le 7 novembre, les promesses n’ayant pas été tenues. Des demandes similaires ont été exprimées par les travailleurs espagnols le même jour. Ils luttent contre le travail précaire dans le secteur des soins de santé, qui affecte les femmes de manière disproportionnée. Les employeurs maintiennent les salaires bas et exploitent la force de travail de la main-d’œuvre féminine. Des grèves et des actions continuent également dans le même secteur en Allemagne où le syndicat Ver.di demande plus de personnel et une meilleure rémunération. À la suite de grèves régionales, les employeurs concluent actuellement des accords comme celui du Bade-Wurtemberg, qui sera traité dans notre prochain bulletin sur les négociations collectives.

Les travailleurs ne protestent pas seulement contre le manque de financement, mais aussi contre l’idée selon laquelle notre santé est un bien marchand. Les gouvernements poussent pour plus de concurrence et de privatisation comme voie pour améliorer les services. La réalité est que la qualité du travail et la qualité des soins en pâtissent. Les syndicats (UNISON, UNITE et GMB) de trois hôpitaux de Berkshire (Royaume-Uni) et de Surrey, dans le sud-est de l’Angleterre, ont annoncé une action de grève contre le projet de sous-traiter jusqu’à 1 000 employés du NHS, nettoyeurs, traiteurs, porteurs, agents de sécurité etc. Ils savent que le résultat serait des emplois plus précaires et des salaires plus bas. L’action de trois jours s’est terminée le 20 novembre, jour où les travailleurs hospitaliers néerlandais ont participé à leur toute première grève nationale, une mobilisation vraiment historique qui n’a eu aucun écho dans les médias belges, même pas flamands ! Leurs demandes font écho à celles de leurs collègues de toute l’Europe. Le travail qu’ils accomplissent mérite une bonne convention collective, des salaires décents et des mesures pour réduire la charge de travail et le stress, avec davantage de personnel et d’investissements dans les hôpitaux.

La Fédération Européenne des travailleurs de la santé (EPSU pour son nom en anglais) soutient tous ces travailleurs et leurs syndicats et essaye d’envoyer des délégués et des travailleurs pour expliquer que la cause est toujours la même : les effets des années d’austérité sont évidents, comme le reconnaît même le président Macron.

Les recherches montrent que les inégalités en matière de santé s’aggravent et que les travailleurs paient un lourd tribut. Une étude réalisée par Kommunal (syndicat suédois des ALR), a révélé que les travailleurs âgés dans le secteur des soins aux personnes âgées présentaient des taux de maladie plus élevés que dans les secteurs de la construction, par exemple.

En Europe les gens exigent des soins de qualité, mais ils savent que le personnel qui les fournit est sous-payé et surchargé de travail, alors que les services sont sous-financés. La nouvelle présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen, souhaite présenter un plan d’action visant à mettre en œuvre le pilier européen des droits sociaux, mais pour que les citoyens puissent exercer leur droit fondamental aux soins, cela doit s’accompagner d’un financement accru des services publics. Et cela signifie que la Commission doit abandonner l’austérité et promouvoir des politiques économiques alternatives.

Les prochains mois seront décisifs pour voir si les « plans » de la Commission européenne sont un changement de direction ou simplement de la rhétorique politicienne ; en tout cas, les luttes dans la santé vont continuer et il faut impliquer l’ensemble du mouvement ouvrier, la campagne « santé en lutte » a fait le 25 octobre un évènement avec des représentants français et italiens, c’est le bon chemin, notre santé est en danger.

Partager cette publication

Articles similaires

Reprendre nos affaires en main!

À l’approche des élections, voici venue l’heure des bilans de l’action des majorités sortantes. De manière générale, ces bilans s’avèrent plutôt décevants pour celles et ceux qui ont cru aux promesses des partis dits « de gauche » qui, finalement, se sont contentés de gérer un système mortifère. Aucun gouvernement n’a opéré de réelle rupture avec les mécanismes d’oppression et d’exploitation, et cela même à Bruxelles où la coalition rouge-verte ne comptait pourtant que deux ministres étiquetés à droite (Open VLD et Defi).
Bien sûr, « ça aurait pu être pire », ça le peut toujours. La menace de la droite et de l’extrême droite est bien réelle, pas seulement en perspective de résultats électoraux mais aussi étant donné la façon dont les options sécuritaires, antisociales et discriminantes s’installent de plus en plus facilement au sein des partis dits démocratiques. Heureusement que, malgré ce contexte morose, des résistances se sont organisées pour freiner cette course vers le mur. (…) Elles ont démontré que, ensemble, nous ne sommes pas prêt.e.s à nous laisser faire en abandonnant si facilement nos droits légitimes, fort.e.s de notre solidarité et de notre créativité collective.
Dans le nouveau numéro de Mouvements, nous avons choisi de revenir sur certains enjeux qui nous paraissent essentiels pour les Bruxellois.es en perspective des élections du 9 juin.

Voir l'évènement >>