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Mouvements n°9 : Transformer l’angoisse en action collective

Après le climat, la pandémie et la guerre de Poutine en Ukraine, la crise de l’énergie est le dernier exemple en date des échecs du marché capitaliste et des politiques libérales à répondre aux besoins fondamentaux de l’humanité. 

Sécheresses, incendies, inondations, tempêtes… : la réalité du réchauffement climatique n’est plus à démontrer. Pourtant, les engagements internationaux restent encore en-dessous de ce qui est jugé nécessaire par le consensus scientifique afin d’éviter un réchauffement de +1,5° aux conséquences catastrophiques. Le dérèglement du climat n’est pas « seulement » un problème pour la planète, ni même à terme pour la survie de notre espèce. C’est déjà un problème social de plus en plus grave, y compris dans le « Nord global » dont fait partie la Belgique : les milliers de personnes sinistré.e.s qui vivent encore dans des conditions indignes plus d’un an après les inondations dans l’Est du pays font écho aux 33 millions de sinistré.e.s des récentes inondations au Pakistan. Chaque année, le nombre de « migrant.e.s climatiques » augmente. A chaque canicule, des milliers de nos aîné.e.s succombent de la chaleur. A chaque sécheresse, les récoltes sont mauvaises et les agriculteur.rice.s souffrent. 

On ne peut pas parler de climat sans parler d’énergie et vice-versa : pour diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, il est indispensable de remplacer les énergies fossiles par les renouvelables tout en supprimant les productions inutiles…ce qui implique de reconvertir des secteurs polluants. Comme les autres aspects de la crise climatique, la « crise énergétique » a aussi ses répercussions sociales avec une explosion des factures d’énergie des ménages : plus de 20% sont en précarité énergétique à Bruxelles, ce qui a aussi des implications sur la santé… Quant aux entreprises, elles répercutent le plus souvent la hausse du coût de l’énergie sur les prix de vente, ce qui contribue à la hausse générale du coût de la vie.  

L’énergie est un bien commun nécessaire à tou.te.s. Mais tout comme en 2020 avec l’émergence de la pandémie, le « marché libre » est à nouveau incapable de mettre en place des solutions rationnelles qui répondent aux besoins humains. Incapable aussi de transformer radicalement le modèle énergétique et productif, ni non plus d’empêcher une guerre opérée par un régime autoritaire tel que la Russie. C’est même l’inverse, puisque celle-ci est dopée aux énergies fossiles que nos pays lui achètent. Tout est lié dans cette séquence. 

Répondre à l’enjeu climatique existentiel et garantir le droit vital à l’énergie nécessite d’opérer un choix de société : la crise écologique provient de l’exploitation des travailleur.se.s et de la planète en vue de générer un maximum de profits à court terme. La crise énergétique est aussi le produit de la libéralisation du marché, de la privatisation, de la « libre » spéculation. Comme en 2020, nous ne sommes pas tou.te.s dans le même bateau et certainement pas tou.te.s responsables à la même échelle. Quand De Croo annonce des hivers difficiles, il nous rejoue le scénario du Covid et indique l’intention gouvernementale de faire payer la facture au plus grand nombre, c’est-à-dire en particulier aux plus précaires. Une fois encore, l’intervention de l’Etat vise à « tout changer pour que rien ne change » : investir dans le gaz, prolonger le nucléaire et diminuer (un peu) les factures, aux frais de l’Etat (nos impôts)… sans toucher aux méga-profits des géants de l’énergie.  

Ce n’est pas « plus de marché » ou un « autre marché », renouvelable cette fois, qui pourront mettre fin au problème. Pour s’en sortir durablement, il faut s’attaquer au cœur du capitalisme fossile, c’est-à-dire sortir l’énergie du marché en instaurant un contrôle véritablement démocratique et citoyen sur la production et la consommation. Pour penser à ce qu’on produit et comment, fixer des prix qui garantissent une accessibilité à tou.te.s, démarrer illico le remplacement des fossiles par les renouvelables, reconvertir les industries polluantes et inutiles en préservant des emplois reconvertis, rénover et isoler les bâtiments via une entreprise publique tout en contrôlant le montant des loyers, évoluer vers une mobilité collective et douce, etc. 

Ce changement de paradigme ne tombera pas du ciel, nous le savons. Nos gouvernements accoutumés à 40 ans de néolibéralisme ont visiblement besoin d’être contraints de changer de politique. Les mouvements sociaux ont devant eux une belle opportunité de reconstruire un rapport de forces dans la société. Car cette rentrée est marquée par un calendrier de mobilisations syndicales, sociales et sur les enjeux climatiques qui dessine en creux l’indispensable jonction entre les luttes sociales et écologiques : pour le climat avec Code Rouge les 8 et 9 octobre et le 23 avec la Coalition climat, pour nos salaires et des prix de l’énergie payables le 21 septembre puis le 9 novembre avec le front commun syndical.  

Il n’y aura pas de victoire durable de nos luttes syndicales sans prendre en compte la gravité de l’enjeu climatique, tout comme il n’y aura pas de victoire écologique d’ampleur sans viser les intérêts des grands détenteurs de capitaux et sans impliquer la grande majorité de la population, à savoir le monde du travail. A nous de faire des mobilisations de l’automne le terrain de rencontre de celles et ceux qui refusent de payer la facture des échecs du capitalisme. 

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