Rwanda Synergie Zamuka

Rwanda : une solidarité agissante pour faire face à la pandémie de COVID-19

Par Séraphin Gasore,
Réseau National Multi-acteurs pour la Protection Sociale,
dit Synergie-Zamuka.

Au Rwanda, un petit pays de 12 millions d’habitants, le premier cas de COVID-19 a été confirmé le 14 mars 2020.

Un pays qui s’en sort plutôt bien

On le voit, le Rwanda ne figure pas parmi les pays les plus touchés du continent. En effet, le pays des Mille Collines semble relativement épargné par la pandémie, surtout en comparaison de ses voisins (Kenya, Ouganda ou RD Congo). On peut expliquer cette situation par le fait que le Gouvernement a pris des mesures fortes pour stopper ou ralentir la propagation : tester massivement et avec les moyens disponibles les populations à risque (marchés, prisons, chauffeurs de camions transnationaux,…), dépister les contacts des cas testés positifs pour casser les chaînes de contamination ou encore isoler tous les cas testés positifs. Il y a eu sensibilisation, imposition et contrôle des gestes barrières : se laver régulièrement les mains, porter obligatoirement le masque dans les espaces publics et respecter la distanciation physique. Le couvre-feu a été décrété et il a été renforcé ou allégé selon la situation de la pandémie. Au début de la pandémie et au vu de la situation en Europe, le confinement général avait été instauré et seuls les services jugés essentiels ont continué à tourner. Pour s’assurer du respect des mesures, les pouvoirs publics au niveau national et local ont décidé d’une batterie de sanctions.

L’impossible confinement général

Le confinement général a été décrété le dimanche 22 mars 2020, et a été d’application directement, sans préavis et sans préparation aucune. Ce fut comme si le ciel tombait sur la tête de nombreux ménages, surtout ceux dont les membres ne mangent leur repas du soir que s’ils ont pu sortir la journée pour travailler. Contraints de vivre au jour le jour, l’épargne leur est une notion inconnue.  Avec le confinement général, ces familles se sont retrouvées sans ressource. Heureusement, les médias étaient comptés parmi les services essentiels autorisés et ont pu alerter l’opinion publique et les autorités. Seuls les plus riches, disposant souvent d’une épargne, ont pu se permettre de faire des stocks de provisions. La situation s’est dégradée de jour en jour et à la crise sanitaire s’est donc ajoutée une crise sécuritaire et alimentaire.

Face à la situation, le Gouvernement central et l’administration locale ont été dans l’obligation d’intervenir. Dans un premier temps, il a été demandé aux citoyen-nes mieux loti-es de faire preuve de solidarité car, expliquait-on, il est indécent de manger à sa faim lorsque son voisin se couche le ventre vide. En d’autres mots, il fallait faire agir la solidarité africaine ! Malheureusement, celle-ci n’est plus aussi agissante qu’autrefois et n’a pas permis de stabiliser la situation. Les pouvoirs publics ont alors organisé des distributions de vivres et certains membres du Gouvernement et autres hauts cadres du pays se sont alors privés de leur salaire, partiellement ou en entièreté, pour aider les pouvoirs publics à soutenir une partie des citoyen-nes qui ne savaient plus à quel saint se vouer. Ces initiatives, aussi louables étaient-elles, ne suffisaient pas. Il fallait alléger les règles. Le confinement général aura duré 45 jours. La vie a alors pu reprendre et nombre de de Rwandais et Rwandaises ont poussé un profond « ouf » de soulagement.

La solidarité en action

Il va sans dire que la pandémie a mobilisé et continue de mobiliser des efforts considérables au sein de la communauté médicale du monde entier. Mais, au-delà de cet aspect médical, la crise du COVID-19 a surtout engendré une situation socio-économique désastreuse. Les organisations partenaires de WSM du Rwanda, engagées dans la promotion d’une protection sociale et d’un travail décent pour toutes et tous, ont mis en place des initiatives pour alléger le fardeau socio-économique des paysans et petits travailleurs. Ces initiatives sont menées sous la responsabilité des organisations partenaires et de la coordination du Réseau national multi-acteurs pour la protection sociale, connu sous le nom de Synergie-Zamuka.

La Fédération des Mouvements Populaires[1] s’est appliquée, surtout lors du confinement général, à maintenir ses contacts et activités en zones rurales. Etant donné que les activités agricoles étaient considérées comme essentielles, la FMP a pu continuer à encadrer 23 coopératives et associations agricoles. Au Rwanda, les mois de mars et avril constituent la plus grande saison agricole.

Le COTRAF, l’une des trois confédérations syndicales du pays, et ses syndicats membres ont largement soutenu les travailleurs et travailleuses des entreprises privées, qui ont été licencié-es abusivement ou dont les contrats de travail étaient arbitrairement suspendus. Certains employeurs estimaient apparemment que la pandémie de Covid-19 pouvait tout justifier. Puisque la plupart des bureaux étaient fermés, d’autres moyens de communication (téléphone, e-mail, Whatsapp) ont été mobilisés afin de venir au mieux en aide aux travailleurs et travailleuses. Certains employeurs ont pris des décisions non conformes aux dispositions légales, simplement car ils en ignoraient le contenu. Heureusement, les sanctions juridiques et économiques d’application ont souvent réussi à décourager ces employeurs peu scrupuleux. Bien de cas ont été réglés à l’amiable au niveau des entreprises grâce à l’action de la confédération syndicale.

Par ailleurs, le COTRAF, via son syndicat des mines, a initié un projet spécifique pour sensibiliser les travailleur-euses et employeurs dans le secteur minier afin que des mesures efficientes et efficaces quant à la santé et la sécurité au travail soient prises. L’intérieur des mines est mal aéré et la promiscuité y est de mise. De plus, les mineurs y travaillaient sans masque. Des comités anti-Covid ont été créés sur plusieurs sites miniers et des émissions de sensibilisation ont été diffusées sur certaines stations radio et/ou télévision du pays.

L’Association Rwandaise des Retraités (ARR) a travaillé d’arrache-pied pour maintenir le contact avec ses affilié-es, durant la crise et ce, dans tous les districts du pays. Les personnes du troisième âge sont vulnérables et l’ont davantage encore été lors de la pandémie de Covid-19. L’ARR fut donc dans l’obligation de redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour leur venir en aide. Elle a initié un projet permettant aux plus vulnérables de ses affilié-es de s’approvisionner en nourriture et aux malades chroniques de ne pas souffrir du manque de médicaments indispensables à leur santé grâce à la distributions de colis alimentaires et médicaux.

Pour sa part, le Réseau national multi-acteurs pour la protection sociale a collaboré avec plusieurs radios et télévisions pour organiser des débats où les autorités et responsables sanitaires et des affaires sociales sont intervenus pour informer et orienter la population durant cette période, non seulement inquiétante mais aussi confuse. Un certain nombre d’articles ont été publiés dans les médias en ligne pour sensibiliser la population, pour plaider en faveur des travailleur-euses précaires et pour qu’une plus grande attention leur soit accordée par les pouvoirs publics.

Une détermination qui ne faiblira pas

Depuis un certain temps, la pandémie de Covid-19 a ralenti. Il y a moins de cas positifs, plusieurs mesures ont été levées ou allégées et la vie a repris dans plusieurs secteurs. Toutefois, personne ne sait prédire ce que nous réserve l’avenir. Il ne faut surtout pas baisser la garde. Les organisations partenaires de WSM au Rwanda sont déterminées, conformément aux orientations données par le Gouvernement, à maintenir les efforts et à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir les populations cibles dans leur lutte contre la pandémie et ses conséquences socio-économiques néfastes. Mais plus important encore, elles vont continuer à travailler en synergie avec d’autres organisations de la société civile pour qu’il y ait dans le pays plus de justice distributive, plus de protection sociale pour toutes et tous, un développement durable qui ne laisse personne au bord du chemin et une paix sociale bénéfique à tout le monde.

[1]
[1] La FMP est une coupole de 5 organisation, dont la mission est la défense et la promotion des droits et intérêts socioéconomiques des travailleurs et travailleuses ruraux et du secteur informel.

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