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Résistons au pillage de notre sécurité sociale

Le CIEP-MOC (Centre d’information et d’éducation populaire – Mouvement Ouvrier Chrétien) de Bruxelles a lancé il y a deux ans une campagne de résistance contre les attaques sur la Sécurité sociale. Focus sur le groupe de travail chômage.

Depuis la grande crise économique de 2008, tous les gouvernements européens et le patronat s’attaquent à notre sécurité sociale : moins de financement et moins de risques couverts.
Afin que les entreprises puissent rester compétitives sur le marché global, les états appliquent des politiques d’austérité en s’attaquant aux salaires des travailleurs.es, en les mettant en concurrence et en réduisant ainsi les financements de la sécurité sociale.
Le système conquis par les luttes collectives du mouvement ouvrier du XXème siècle, qui permettait à celui qui tombe malade de recevoir une assurance maladie, à celui qui est trop vieux d’avoir accès à une pension et à celui qui n’a pas de travail de toucher une allocation, est mis à mal par les politiques néolibérales.
C’est dans ce contexte que le Mouvement Ouvrier Chrétien de Bruxelles a lancé, il y a déjà deux ans, une campagne de sensibilisation et de mobilisation en défense de la protection sociale avec ses organisations constitutives, la CSC, la Mutualité Saint Michel, les JOC, les Equipes Populaires et Vie Féminine.
Dans ce cadre, un groupe de travail a été constitué sur la problématique du chômage afin de contribuer à l’organisation collective des travailleurs.es sans-emploi.

La question du chômage au centre de la sécurité sociale
Bien que la richesse produite ne cesse de croître, les conditions d’accès aux indemnités de chômage se sont durcies, l’accompagnement s’est transformé en activation, les contrôles et les sanctions se sont multipliés et le montant des allocations chômage s’est réduit.
Les attaques à la sécurité sociale sont la cause aujourd’hui d’une aggravation des conditions d’accès au chômage et de l’augmentation de la précarité à Bruxelles.
Dans ce contexte, on constate d’une part une diminution croissante des offres d’emplois et une grande quantité de demandeurs d’emploi exclus du chômage, sanctionnée et obligés d’accepter un emploi précaire ou non convenable.
Les femmes sont les plus concernées à la fois par le travail informel, les contrats précaires, ceux de courte durée et à faible volume horaire et par conséquent, à faible salaire. Les jeunes se voient durcir les conditions d’accès aux allocations au chômage !
Le MOC de Bruxelles a voulu écouter et donner la parole aux travailleurs.es sans emploi (TSE) en mettant en place une enquête.

 

L’enquête
Cette enquête a été réalisée et distribuée par les militants.es des organisations constitutives du MOC, dans les centres de services de la CSC, dans les maisons mosaïques de Vie féminine mais aussi à Actiris et dans les Asbl d’insertion du mouvement.
L’enquête visait à identifier la perception de la réalité sociale du chômage par les TSE. Il s’agissait d’écouter leurs propositions politiques, leurs coups de rage et leurs envies de changements.
L’analyse de l’enquête a été précédée par un processus interversion pendant différents forums de discussion entre chercheurs, syndicalistes et militants d’organisations constitutives. Le but a été de n’avoir pas un seul regard sur la question, mais de croiser l’analyse scientifique avec le vécu spécifique des concernés.

L’analyse des chiffres
400 enquêtes à choix multiples ont été récoltées auprès des affiliés de la CSC, dont 192 femmes (42%) et 184 hommes (46%). L’âge moyen était respectivement de 48 ans pour les hommes et 40 ans pour les femmes.
Les secteurs où les femmes ont le plus souvent travaillé sont les administrations, le nettoyage, la vente et les soins. Pour les hommes, il s’agit de la construction, de l’Horeca, du nettoyage et de la vente.
L’enquête nous confirme toute une série de lieux communs. Mais elle nous permet aussi d’identifier plusieurs éléments intéressants au niveau de la perception des TSE (Travailleurs sans emploi), sur la réalité sociale du chômage et sur leur vision politique.
Par exemple, le fait que 17,5% des participants.es n’aient pas souhaité indiquer la durée de leur chômage malgré l’anonymat de l’enquête confirme le sentiment de culpabilisation qui s’impose aux TSE dans l’imaginaire collectif, encore aujourd’hui.
La première question sur le nombre de demandeurs d’emploi en Région bruxelloise, nous confirme la difficulté des travailleurs.es sans-emploi à regarder le phénomène social du chômage de manière objective, c’est-à-dire à le concevoir comme un fait social indépendant de leur propre expérience vécue. Presque 1 TSE sur 2 pense qu’il y a beaucoup moins de demandeurs d’emploi qu’il n’y en a en réalité. 46% des TSE pensent qu’il n’y a que 50.000 TSE ou moins en Région Bruxelloise contre 100.000 en réalité. Cette sous-représentation du nombre de TSE présent-e-s dans notre région entraine une perception faussée de la concurrence sur le marché du travail.

On constate la même tendance dans la perception des TSE par rapport au nombre d’emplois disponibles en région bruxelloise. Seuls 33% de TSE sont conscients du nombre d’emplois disponibles : à savoir 5.000 offres. 67% de TSE surévaluent l’offre d’emploi.
Un autre élément qui semble confirmer l’intégration de la logique dominante est les 40% qui pensent que les entreprises ne créent pas assez d’emploi, 32% pensent que le travail coûte trop cher et intègrent la notion patronale du travail comme « charge à payer ».
Cette enquête nous révèle également une vision claire des causes du chômage et des réponses politiques à mettre en œuvre pour les résoudre.
Pour le 51% d’entre eux/elles la cause de cela est le manque d’emploi disponible sur le marché et cela est dû principalement au manque de volonté politique du gouvernement (44%).
A la question qui pose la vision subjective d’être au chômage – quelles sont les raisons de ton chômage ? – 32% affirment le manque d’emploi dans leur secteur, 23 % le manque de connaissance de langues et à 19% les discriminations à l’embauche.
Les réponses concernant les raisons du chômage confirment le plus un véritable positionnement politique des TSE.
Parmi les raisons suggérées dans l’enquête qui peuvent expliquer les difficultés à trouver un emploi aujourd’hui, les TSE pointent les éléments suivants : le manque de volonté politique du gouvernement à 44%, suivi par le manque de création d’emplois publics à 36%.
Cette question ne concerne pas la situation personnelle du répondant mais bien une vision plus générale des facteurs du manque d’emploi sur le marché du travail. Ici les TSE constatent que le gouvernement est incapable de répondre au manque structurel d’emploi en Région bruxelloise.
Les TSE se positionnent aussi sur les solutions pour lutter contre le chômage.
Les solutions les plus populaires sont la création de plus d’entreprises (56%) et la création d’emplois publics (36%). L’accent est mis sur la nécessité de création d’emplois pour répondre au manque d’emploi structurel. Même si la majorité fait encore confiance au marché comme moyen de création d’emplois, une partie considérable affirme nécessaire une intervention de l’Etat pour créer des emplois publics. 30% d’entre eux demandent plus de formations et seulement 6% des moins de 30 ans pensent qu’il faut s’organiser collectivement pour créer un rapport de force alors qu’ils représentent 16% des répondants.
L’analyse par tranches d’âge montre l’intérêt des plus jeunes et des plus âgés à des propositions telles que l’allocation universelle ou la réduction collective du temps de travail.
20% des répondants souhaitent une réduction collective du temps de travail afin de créer plus d’emplois contre 13% qui proposent l’allocation universelle.
Les secteurs où la RCTT est le plus demandé sont ceux où la pénibilité est la plus élevée : le nettoyage, l’Horeca, la vente et la construction.
On a essayé également d’évaluer le taux d’espoir des TSE bruxellois de retrouver un emploi. Pour les 60% d’entre eux/elles, il est possible de trouver un emploi d’ici la fin de l’année contre 40% qui affirment le contraire.
Enfin, on leur a demandé s’ils se sentaient aidés par Actiris dans leur recherche d’emploi. Le sentiment est très partagé parmi les TSE, puisque seuls 51% affirment se sentir aidés par Actiris. Le graphique montre aussi que les femmes et les moins de 30 ans se sentent beaucoup moins aidées par Actiris que les hommes. 54% des plus de 51 ans se disent aussi insuffisamment aidés.
En conclusion, les analyses générales de l’enquête nous révèlent une réalité bien plus complexe de ce qui est présent dans l’imaginaire collectif de l’opinion public. Malgré les politiques d’exclusion et les discriminations qui pèsent encore sur l’image des demandeurs d’emploi, les TSE rencontrés via l’enquête ont un regard lucide sur la réalité qu’ils vivent au quotidien.
Même si certains préjugés semblent avoir été intégrés, il faut remarquer la forte implication politique des propositions qui sont mises en avant : la nécessité de créer des emplois publics, le manque de volonté politique du gouvernement pour le faire et la piste d’réduction collective du temps de travail.
Le groupe chômage du CIEP-MOC Bruxelles s’engage à mettre en avant ces revendications et à poursuivre de discussions et d’actions collectives en mettant en réseaux les TSE, les militants syndicaux, les jeunes et les femmes précaires au tour de la revendication de la réduction collective du temps de travail.

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