grève des femmes

Mouvements n°7 – Modernités de la grève

Par Thomas Englert,
Secrétaire fédéral du MOC Bruxelles

Le capitalisme néo-libéral véhicule l’image du succès ou de l’échec individuel. Il y aurait d’un côté les gagnants, ceux qui prennent des responsabilités et des risques et qui sont récompensés par du confort de vie et du pouvoir de décision sur leurs vies et celles des autres. Et puis il y a tou.te.s les autres, qui n’y sont pas arrivés, qui au mieux vivent plus ou moins décemment et ne devraient pas s’en plaindre ; au pire sont des « losers » qui « profitent de ceux qui travaillent » et devraient en avoir honte. Ce deuxième groupe ne peut s’en prendre qu’à lui-même et courber l’échine devant les décisions des gagnants. Selon cette idée, ceux et celles qui ont géré la crise du Covid nous dirigent « dans notre intérêt » parce qu’ils sont les plus capables pour le faire. Ils peuvent donc justifier de court-circuiter les régimes normaux au nom de l’urgence et de la crise.  A l’école, au travail, dans la famille, le raisonnement est le même.

On connait tou.te.s ce discours-là. On l’adopte parfois, malgré nous. Pourtant, nos expériences démontrent tous les jours à quel point il est faux que notre position sociale est déterminée seulement par nos actions individuelles, sans aide, sans histoire, sans contexte, sans autres. Et si nous ne sommes pas seul.e.s responsables de nos difficultés, alors ceux qui nous dominent ne sont pas forcément au sommet parce qu’ils le méritent.

Lorsqu’on se réunit en collectif, on exprime cette réalité simple et évidente : nous n’existons pas seul.e.s et nos existences sont autant déterminées par ceux et celles qui nous entourent que par nous-mêmes. En se mettant en grève, en s’arrêtant de produire, de prendre soin, de consommer, … nous rappelons un fait évident et pourtant totalement nié : sans nous, rien ne tourne, tout s’arrête. Sans nous, ceux qui nous dominent sont seuls, incapables de rien.

En s’arrêtant, on reprend possession du temps qui nous est confisqué au profit de quelques-uns. On reprend le temps de partager nos douleurs et nos peurs bien au-delà des divisions que la société nous impose. En s’arrêtant, on reprend le temps de faire groupe, de cesser d’être un individu seul.e face à la marche de la société. En faisant collectif, on trouve du pouvoir d’agir sur le monde, on cesse de subir et la honte laisse place à la dignité retrouvée. Cela se voit dans les moments de lutte : il y a de la colère et de la douleur bien sûr, mais aussi de la joie dans une manifestation, un piquet de grève. C’est la reprise de pouvoir sur le monde qui nous fait sourire. Alors sourions le plus souvent possible !

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