Palaisdumidi - illustration Miou Léonard

Mouvements n°12 : Les dépossédé.e.s

Travailleur.euse.s et usager.ère.s, tou.te.s concerné.e.s 

Quand les services au public sont mis sous pression, l’impact se fait sentir tant du côté des travailleur.euse.s que de celui des usager.ère.s. Pas assez de personnel pour garantir la qualité et l’accès au service dans de bonnes conditions pour les salarié.e.s, procédures institutionnelles et administratives peu transparentes et trop lourdes, décisions autoritaires et mécaniques d’une hiérarchie et de politiques qui ne prennent pas en compte les besoins du « terrain », …  

Dans les secteurs privés, les employeur et actionnaires à la recherche perpétuelle du profit maximum n’hésitent pas à piétiner les droits et intérêts des travailleur.euse.s et des client.e.s. L’exemple du groupe Delhaize, qui s’acharne à vouloir franchiser ses magasins en dégradant considérablement les conditions de travail, en menaçant l’emploi existant et en augmentant les prix au passage, est assez parlant en la matière. Dans les secteurs publics et non marchands, les effets des coupes budgétaires ne font que s’accumuler depuis des décennies d’austérité, l’Etat se refusant toujours à aller chercher l’argent là où il est pour financer les services indispensables au bien-être et aux droits fondamentaux de l’ensemble de la population.    

Evidemment, celles et ceux qui trinquent le plus se retrouvent au croisement des systèmes de domination : travailleur.euse.s sans emploi, migrant.e.s, racisé.e.s, femmes, traité.e.s avec toujours plus de mépris par des politiques racistes, sexistes et capitalistes. Dans les quartiers populaires, la qualité de vie des habitant.e.s ne pèse pas lourd face à des projets urbanistiques comme la construction du métro 3 qui, derrière des prétextes écologiques, vont accélérer la gentrification de la capitale tout en éventrant sérieusement le budget de la région. Le « train du numérique » dans lequel le gouvernement bruxellois se vante de sauter à pieds joints se soucie peu de laisser sur le quai des milliers de personnes en « précarité numérique » pour qui l’accès aux droits sera encore plus compliqué avec la disparition programmée des interlocuteur.rice.s humain.e.s derrière les guichets. Alors que le droit aux allocations de chômage est à nouveau menacé par une nouvelle vague de restrictions qui fera encore exploser la pauvreté, en région bruxelloise en particulier, la souffrance sociale se traduit aussi par une dégradation de la santé mentale de la population précarisée à laquelle les services de santé mentale sont bien en peine de faire face. 

Un autre phénomène que l’on retrouve bien souvent dans la lasagne institutionnelle belge, ce sont les niveaux de pouvoir qui se renvoient la balle, pourtant souvent composés pour partie des mêmes formations politiques. D’une certaine façon, cela constitue un obstacle à l’accès aux droits mais aussi un défi pour les mobilisations sociales, face à des interlocuteur.rices insaisissables dans le théâtre d’ombres des compétences éclatées. Qu’il s’agisse de santé mentale, de la destruction de quartiers entiers ou de droits des sans-papiers, cet éparpillement nous mène dans un jeu de dupes qui protège les responsables politiques. A un autre niveau mais dans une logique assez proche, les multinationales comme Ahold Delhaize manient l’art du simulacre de « concertation sociale » et contournent les règles par le shopping de commissions paritaires. Le jeu de la concertation devient alors aussi un jeu de dupes qui constitue un défi majeur pour le syndicalisme. 

Dans ces situations, que ce soit face à des autorités publiques ou au patronat, il est nécessaire de mettre en lumière les cohérences politiques derrière les choix néolibéraux et la déshumanisation du travail et des habitant.e.s. L’autre enjeu est que nos luttes sociales et démocratiques puissent s’organiser sur base d’assemblées générales, comme dans le mouvement des travailleur.se.s des CPAS, avec un cahier de revendications et un plan d’action clairs. Enfin, l’exemple de Delhaize nous montre aussi comment de nouvelles alliances avec les (ex-)client.e.s peuvent aider à riposter face à la violence sociale et à la répression. Travailleur.se.s et usager.ère.s, nous sommes tou.te.s concerné.e.s par les conséquences des mesures prises dans la grande distribution, les administrations, l’accueil des personnes exilées, les quartiers populaires, les soins et les services sociaux. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons renverser la vapeur, pour refaire société. 

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