travail domestique2

Les travailleuses domestiques sortent de l’ombre sur le plan international

Par Magali Verdier
MOC Bruxelles

De par le monde les travailleuses domestiques femmes migrantes travaillant dans l’ombre, exploitées à la merci de leurs patrons, se mobilisent pour leurs droits socio-économiques. Nous voulions mettre en lumière le travail du Commission Filipino Migrant Workers (ou CFMW) qui a mené une campagne internationale avec des travailleuses domestiques. Nous avons pour cela rencontré Jille Belisario, résidente aux Pays-Bas et militante dans cette organisation. Le CFMW est un réseau de travailleurs-ses migrants-e-s philippin-nes s’organisant dans onze villes en Europe, où il existe de grandes concentrations de travailleuses-eurs migrant-es philippin-nes comme à Athènes, Amsterdam, Barcelone ou à Rome. Cette organisation, le CFMW, est un réseau qui travaille dans le but de développer l’autonomisation des migrants par l’auto-organisation, l’éducation et les campagnes pour les droits des migrants, l’égalité des genres et la solidarité avec les migrants des autres nationalités contre le racisme et la discrimination.

La visibilité croissante sur le plan international des travailleuses domestiques a été le point de départ pour une campagne portant sur les droits socio-économiques du travail domestique au sein de l’organisation. Au départ composé de femmes originaires des Philipines, le CFMW a adopté une approche multiethnique et inclusive impliquant des femmes d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Dès le début, le travail s’est inscrit dans le cadre international et européen. Le CFMW a été cofondateur en 1997 du réseau européen RESPECT qui a mené une campagne dans le monde entier avec d’autres partenaires, appelée « May day 2010 », pour l’adoption de recommandations au sein de l’OIT pour l’application de conditions de travail dignes pour les travailleuses domestiques. Cela s’est traduit par l’adoption en 2011 de la Convention C189 de l’OIT (Organisation International de Travail).

Le CFMW, via le réseau RESPECT, a également élaboré une Charte des droits des travailleurs domestiques migrants qui comporte trois exigences fondamentales liées entre elles :

  1. la reconnaissance du travail domestique à domicile en tant que travail à part entière
  2. que les droits des travailleuses-eurs domestiques migrant-es soient reconnus au même titre que ceux des autres travailleuses-eurs
  3. que les travailleuses domestiques migrant-es aient droit à un statut d’immigration indépendant des employeurs

Questions stratégiques

 La Charte des droits des travailleuses-eurs domestiques migrants et le travail d’éducation qui en découle ont fait œuvre de pionniers en mettant les questions du travail domestique et du statut migratoire à l’agenda politique en Europe. RESPECT poursuit donc à travers ce projet une stratégie basée sur les éléments suivants :

  • Le renforcement et l’autonomisation des capacités des travailleuses-eurs migrant-es, en particulier ceux et celles qui travaillent dans le secteur domestique, afin qu’ils-elles deviennent des acteurs-clés dans la campagne pour leurs droits.
  • Le développement des liens et la coopération avec d’autres communautés de migrants et avec les organisations de travailleurs, de défense des droits humains, d’églises et de femmes sur des questions ayant un impact sur les migrants.
  • Une stratégie transnationale de plaidoyer, de lobbying et de campagne auprès des décideurs politiques, en particulier dans le domaine du genre, de l’immigration et du travail.
  • Last but not least : l’acquisition d’une reconnaissance des travailleuses domestiques sans papiers au sein des syndicats.

Les travailleuses domestiques, porteuses lors de ces campagnes, ont donc fait des manifestations, rencontré des responsables politiques, organisé des forums, élaboré des revendications, se sont appropriés les outils juridiques. Elles ont aussi fait du théâtre-forum pour débattre avec les syndicalistes.

L’impact des mobilisations

En mobilisant les travailleuses domestiques pour qu’elles reprennent l’agenda de la migration et du développement, ces campagnes ont renforcé leur assurance et leur confiance en soi pour reprendre leurs responsabilités en matière de travail et de droits de l’homme. Cela a aussi donné de la visibilité aux organisations du Migrant Domestic Workers (MDW) au sein du vaste mouvement des migrants et d’autres mouvements sociaux en tant qu’acteurs sociaux transnationaux et agents de changement dans les pays d’accueil et d’origine. Une nouvelle compréhension et une nouvelle analyse du rôle des migrant-es en tant qu’acteurs sociaux transnationaux ont été développées, pour démontrer comment les travailleurs domestiques migrants travaillant dans le secteur domestique contribuent activement à la transformation de leurs conditions de vie et de travail et à de nouvelles perspectives pour le monde du travail. Le dialogue politique entre les Travailleuses Domestiques Migrantes et les “expert-es” dans l’arène politique s’est vu renouvelé, en vue de mobiliser les universitaires pour élaborer une stratégie de plaidoyer à long terme. En outre, les travailleuses domestiques ont initié et pris un rôle de premier plan, avec des méthodologies innovantes de sensibilisation et de plaidoyer, dans la campagne et la promotion de la Charte pour les droits des travailleuses domestiques migrants qui a été développée dans plusieurs consultations à travers les organisations MDW en Europe.

En Europe, sur le plan syndical, l’organisation s’est appuyée sur les acquis de la campagne et a développé des initiatives et des campagnes conjointes avec les syndicats, qui ont permis aux travailleurs domestiques sans-papiers d’être membres de syndicats, comme aux Pays-Bas avec le FNV et à Londres avec UNITE.  Plus particulièrement, aux Pays-Bas, les travailleuses domestiques ont engagé des débats avec la centrale syndicale du nettoyage en ayant recours au théâtre-forum. Après cinq ans d’engagement et de campagne, le syndicat Abvakabo FNV a décidé d’ouvrir ses portes aux travailleuses domestiques avec ou sans papiers. Le syndicat comptait plus de 200 membres. Cette acceptation de l’adhésion a été un premier pas – tant pour le syndicat que pour les travailleuses-eurs migrant-es. Etre reconnue au syndicat comme travailleuses à part entière leur a permis de bénéficier d’une meilleure protection de leurs droits en matière de travail et de droits humains. Bien que ces travailleurs n’aient pas encore obtenu un changement structurel de leur statut (donc une régularisation par le travail) et restent invisibles d’un point de vue administratif, elles sont mieux à même, grâce à ces campagnes, de négocier avec leurs patrons leur salaire et leurs conditions de travail, elles sont fières de s’affirmer comme actrices à part entière du développement économique, social, culturel et politique aux Pays-Bas et dans leur pays d’origine. Finalement, au milieu des violations de leurs droits, et en réponse à ces violations, ces travailleur.se.s sont organisé.e.s et les Objectifs du millénaire pour le développement se sont transformés grâce à ces acteurs sociaux transnationaux importants, tant en Europe que dans leurs pays d’origine.

Partager cette publication

Articles similaires