Grève des soignants: Pour combattre la pandémie, une politique sociale est indispensable

Le MOC Bruxelles et ses organisations constitutives (CSC, Mutualité chrétienne, Vie Féminine, Equipes populaires et JOC) soutiennent les mobilisations syndicales du 6 et 7 décembre prochain. En effet, nous considérons que la mobilisation interprofessionnelle pour les salaires et les libertés syndicales, et celle du secteur de la santé contre les sanctions et la stigmatisation du personnel soignant qui mettent à mal des équipes déjà en sous-effectif chronique font partie de la lutte contre la pandémie. Par leur action, les travailleuses remettent au centre du débat non pas la vaccination – un des outils essentiels de la lutte contre le virus – mais les enjeux d’une santé réellement publique et accessible. Sans prendre en compte les enjeux démocratiques et sociaux, en recourant à une politique répressive et en individualisant les responsabilités, on risque non seulement de saboter la lutte contre le virus mais aussi de continuer à paver la voie à une extrême droite de plus en plus présente et agressive.   

Nous ne pouvons pas rester indifférents face à la situation sociale et sanitaire dans le pays et à Bruxelles en particulier. La Région bruxelloise est la région qui a subi le plus durement les conséquences de la pandémie de Covid19 depuis bientôt deux ans. Région avec les plus faibles moyens et une population précarisée, elle a été proportionnellement plus fortement touchée par le nombre de décès, près de 3600 à ce jour, mais également par l’impact économique et social de la crise.

Notre région est également la moins vaccinée du pays, avec à peine 58% de la population doublement vaccinée. A plusieurs reprises depuis deux ans, les classes populaires de Bruxelles ont été stigmatisées par des dirigeants politiques ou commentateurs. Il semble plus simple à certains responsables d’accuser les victimes et de manier le bâton que de remettre en question leur bilan désastreux, non seulement des deux dernières années, mais également des dernières décennies d’austérité et de politiques néolibérales. Alors que nos contrats sont de plus en plus précaires, nos salaires sont bloqués depuis plus de dix ans et nos libertés syndicales sont attaquées, nos services publics, nos écoles, nos soins de santé, nos maisons de repos, nos logements, ont été maltraités, marchandisés et dégradés, en particulier les services de première ligne dans les quartiers populaires. Dans un contexte de précarité accrue, l’accès aux soins est donc limité par l’absence de rapport de confiance et d’éducation à la santé mais aussi par le coût qu’il représente, aboutissant à des reports de soins qui influent à leur tour sur les autres facteurs.

Les gouvernements ont failli par une communication et une gestion contradictoires et dangereuses, notamment sur la question des masques que nous n’avons pu porter qu’après la mort de milliers de personnes, en particulier les travailleur.se.s en première ligne, dans la santé, le nettoyage, les livraisons, la grande distribution ou les bus bondés. La gestion de crise a servi et sert toujours d’alibi à un mode de gouvernement quasi autoritaire basé sur la mise en suspens du débat et des institutions démocratiques. Le traitement parfois extrêmement léger des libertés fondamentales inquiète aussi à l’image de la rupture de la confidentialité des données par la plateforme Bruvax. Ceci renforce la perception – mais aussi le risque réel – d’une gestion de crise dominée par l’amateurisme et des intérêts autres que l’intérêt commun.

Pourtant, la population et les travailleur.euse.s ont fait et font leur part. Quand les soignant.e.s étaient contaminé.e.s pendant la première et la deuxième vague du virus, ils et elles ont dû continuer à travailler. Quand associations et population ont organisé la solidarité matérielle, ils ont dû le faire seuls et parfois au risque d’amendes et de sanctions. Quand les conducteur.rices de la STIB refusaient de reprendre le travail dans des conditions sanitaires dangereuses, ils et elles ont été pointé.e.s du doigt. Quand des travailleur.se.s sans-papiers ont manifesté et fait grève de la faim, ils et elles n’ont reçu que des mots creux. Quand les jeunes se sont mobilisé.e.s pour le climat, ils et elles ont dû constater que la logique de profit prend encore le pas sur les enjeux environnementaux et de santé. Alors que les travailleur.euse.s et la population se mobilisent, le gouvernement De Croo continue dans sa ligne. Le gouvernement impose une marge d’augmentation salariale maximale de 0,4% d’ici fin 2022, alors que l’on prévoit plus de 8% de croissance. Nombre de services sociaux de première ligne n’ont pas les moyens de fonctionner correctement. La poursuite de ces politiques néolibérales, basées sur la responsabilisation et la répression des individus face au démantèlement des pouvoirs publics et des systèmes de protection collective, offrent un boulevard aux courants réactionnaires et d’extrême-droite, partisans de la « loi du plus fort » vis-à-vis du virus. Force est de constater qu’ils ne comptent pas rater l’occasion de diviser la population à leur profit.

Dans ce contexte, la vaccination du personnel de soin est un réel enjeu mais elle ne peut pas servir à cacher la réalité d’un système de santé aux abois. La crise de notre système de soins est d’abord causée par le manque de moyens et de personnel qui sont le résultat de décennies d’austérité. Il est clair que les budgets du secteur de la santé sont insuffisants pour compenser les dégâts du passé auxquels s’ajoute la pression créée par la pandémie. Stigmatiser les soignants en menaçant de renforcer la pénurie de soignants est contreproductif tant en termes de santé publique que pour convaincre la petite part du personnel soignant encore hésitant. Au vu de la dangerosité et de la contagiosité du virus, si le débat sur l’obligation vaccinale pour l’ensemble de la population ne doit pas être un tabou, celui-ci ne peut se faire à n’importe quelles conditions.

Les vaccins sont une chance et un bien commun qui doit être public et accessible à l’échelle mondiale. Ils forment une partie indispensable de la protection collective des travailleur.se.s et de l’humanité, il est de notre responsabilité de le dire et l’expliquer sans la moindre ambigüité. Mais il faut dès lors les traiter comme tel. Il est inacceptable qu’un élément fondamental de la protection de l’humanité soit laissé aux mains de l’industrie dans une logique de profit. C’est injustifiable mais aussi inefficace. Le vaccin doit faire partie d’une stratégie mondiale, solidaire et publique. L’opposition de notre gouvernement et de l’UE à la levée des brevets doit cesser immédiatement.

La santé publique est une question collective et doit être au centre d’un réel débat démocratique transparent et accessible. Pour réussir, la campagne de vaccination doit se faire au plus près de la population et des travailleur.se.s et doit s’accompagner de débats démocratiques à tous les niveaux de la société, de l’entreprise au quartier jusqu’au Parlement. Elle nécessite aussi des réponses sociales cohérentes et d’autres mesures de protection contre le virus : des investissements conséquents dans une vraie politique de santé publique de première ligne et plus largement dans les services publics et la santé au travail, les libertés syndicales, des hausses de salaires suffisantes pour tou.te.s, des emplois de qualité, etc. C’est à ces conditions seulement qu’une réelle appropriation démocratique et sociale des enjeux sanitaires pourra se faire et que l’on pourra non seulement généraliser la vaccination mais plus encore combattre la pandémie et les inégalités inacceptables qui caractérisent notre société aujourd’hui. Pour ces raisons, le MOC Bruxelles soutient les actions et manifestations syndicales appelées par le front commun le 6 décembre en défense des salaires et des libertés syndicales et le 7 décembre pour des investissements dans les soins de santé et contre le licenciement du personnel non-vacciné.

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