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Chou 99 – Fragiles dans l’emploi, fort-e-s dans la lutte les précaires s’organisent

Edito 

par Myriam DJEGHAM
Secrétaire fédérale du CIEP-MOC Bruxelles

Les choses ont bien changé depuis l’époque où le patron de Ford, soucieux de dégager un maximum de bénéfices, proposait d’augmenter le salaire de ses travailleur-se-s pour qu’ils puissent contribuer à  l’écoulement de la production en s’achetant une voiture de leur usine. On pourrait croire qu’il n’y a plus rien avoir entre le rapport salarial qui liait les grandes entreprises industrielles à leurs travailleur-se-s et celui qui lie aujourd’hui par exemple, la STIB aux travailleurs sans papiers qui rénovent une station de métro via une entreprise sous-traitante ou celui que Deliveroo entretient avec les jeunes cyclistes qui transportent les repas chauds ou encore celui d’une travailleuse de titre-services avec les personnes dont elle nettoie les toilettes.

Ce serait oublier que le capitalisme est monstrueusement créatif. Il se transforme en imposant une remise en question perpétuelle du mouvement ouvrier et de ses modes d’intervention. Fini l’adversaire patronal bien identifié, fini de se soucier des capacités de consommation des travailleur-se-s, fini les  rands collectifs de travail où l’action collective pouvait démarrer à partir d’un incident, comme une  allumette peut mettre le feu aux poudres. Et, si l’on n’y prend garde, fini le droit du travail. Mais ne nous trompons pas, le capitalisme industriel n’est pas un paradis perdu. Il n’était pas le « bon », à opposer au capitalisme «sauvage» qui serait à l’œuvre de nos jours. L’enjeu actuel n’est pas de retourner dans un passé idéalisé, mais de comprendre et de combattre ce système économique multiforme. Pas seulement à partir d’un travail théorique, mais concrètement à partir de l’action et du terrain, en organisant celles et ceux qui le subissent de plein fouet.

Aujourd’hui, les images sont brouillées, les interlocuteurs difficilement identifiables, le patron soumis à des actionnaires anonymes, les entreprises éclatées, la consommation liée aux exportations, les collègues de travail à l’autre bout de la ville et parfois même du monde, les salarié-e-s déguisé-e-s en
indépendant-e-s. Du coup, les luttes collectives sont difficiles à étendre. Et pourtant … l’exploitation est toujours bel et bien réelle, l’extorsion de la richesse créée par les travailleur-se-s n’a jamais été aussi odieuse, la pauvreté s’immisce jusque dans les rangs des travailleur-se-s avec emploi, les inégalités sont
extrêmes, les divisions sont attisées, le chômage est devenu structurel et l’exclusion est une quasi banalité. Un constat lucide de la situation ne justifie aucune renonciation, pas plus qu’une
perte d’espoir, bien au contraire.

Si le capitalisme est créatif, le mouvement ouvrier doit l’être
tout autant. Ce numéro du Chou de Bruxelles rassemble des exemples d’expériences concrètes d’organisation et d’actions collectives de travailleur-se-s précaires, avec et sans emploi, avec et sans papiers. Vivement que ces luttes se développent, se propagent et qu’elles gagnent !

 

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