Le CIEP-B • MOC BXL fait parti des co-signataires de cette carte blanche. Cette pétition dénonce les pratiques répressives et injustes qui ont été exercées à l’encontre de cette figure intellectuelle turque de renommée internationale. En tant que membres de cette communauté solidaire, nous affirmons notre soutien indéfectible à Pinar Selek et notre engagement en faveur de la défense de la liberté d’expression et des droits de l’homme pour tous.
Pinar Selek, maitresse de conférences à l’Université Côte d’Azur, fondatrice de la revue
féministe turque Amargi, « militante de la poésie », « féministe acrobate », est condamnée à
la suite de la sentence de la Cour suprême de Turquie à la prison à perpétuité avec
enfermement immédiat assorti d’un mandat d’arrêt international.
Cette décision sera confirmée par la Cour d’assise qui rendra son jugement public, le 31 mars prochain à Istanbul. L’acharnement politico-judiciaire de Pinar Selek commence en juillet 1998, lorsqu’elle est
arrêtée par la police turque alors qu’elle est en passe de publier une recherche sur la diaspora
kurde. En prison, la police lui demande de livrer les noms des personnes interviewées au cours
de ses recherches. Ce qu’elle refuse de faire, malgré les actes de torture qu’elle subit. Le 9
juillet, elle apprend en prison qu’elle est arbitrairement accusée d’être la commanditaire d’un
« attentat » qui a frappé le marché aux épices d’Istanbul. L’accusation s’appuie sur des faux
témoignages extorqués sous la torture. Elle est qualifiée de « terroriste », alors que plusieurs
rapports d’experts certifient que l’explosion était due à une fuite de gaz.
Au cours de ces deux années et demi de prison, les accusations, fondées sur des documents falsifiés et des témoignages extorqués sous la torture, tombent une à une. Pinar Selek est libérée en
décembre 2000 et acquittée en 2006. Mais la persécution ne s’arrête pas là. La Cour de
cassation fait appel des verdicts d’acquittement successifs. Par quatre fois, Pinar Selek est
condamnée et acquittée, suite aux jugements intervenus en 2006, 2008, 2011 et 2014.
Le premier acquittement de 2006 est cassé en 2007 ; le second de 2008 est cassé en 2009.
Pinar Selek est alors contrainte de quitter la Turquie. Elle vit deux ans en Allemagne, avant de
s’installer en France où elle obtient, en 2017 la nationalité. Cependant, l’acharnement politicojudiciaire continue pendant tout ce temps. Alors que l’acquittement de 2011 est cassé en 2012,
la Cour de cassation condamne Pinar Selek à la prison à perpétuité en 2013. Cette
condamnation est annulée en 2014 suite à un appel des avocats dénonçant les illégalités de
cette procédure. Néanmoins, en janvier 2017, le procureur de la Cour de cassation demande
une condamnation à perpétuité pour « terrorisme ». Et, en juin 2022, la Cour suprême annule
son quatrième acquittement. Finalement, c’est un mandat d’arrêt international qui est lancé
le 6 janvier 2023 par le Tribunal criminel d’Istanbul en vue d’un énième procès fixé au 31 mars
prochain.
Cette décision est le reflet de la continuité du régime autoritaire en Turquie en place depuis
vingt an. Ce dernier est aujourd’hui renforcé dans un contexte électoral déterminant pour la
poursuite du gouvernement. Fragilisé par les vives critiques contre son immense
responsabilité dans le double séisme qui a frappé le sud du pays en février et qui avoisine les
50000 morts, le régime est menacé de perdre son pouvoir aux prochaines élections en mai 2023.
Le gouvernement redouble alors les méthodes pour réduire au silence toutes les
personnes qui, comme Pinar, s’y opposent. Depuis 25 ans, soit la moitié de sa vie, Pinar Selek vit une persécution sans fin. Cet acharnement politico-judiciaire doit cesser.
Au nom de la liberté d’expression des chercheurs, des chercheuses, des journalistes, des poètes, des poétesses, des citoyennes et des citoyens, nous réaffirmons notre soutien à Pinar Selek, qu’elle puisse être définitivement acquittée le 31 mars 2023. Justice et liberté pour Pinar Selek.