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Bangladesh : du droit à la santé au développement communautaire intégral

Jennifer Van Driessche,
We Social Movements (WSM)

La solidarité pour la santé dépasse les frontières ! We Social Movements (WSM), nouvelle appellation pour Solidarité Mondiale, l’ONG du Mouvement Ouvrier Chrétien, soutient dans le monde plusieurs organisations qui agissent sur le terrain pour l’accès de toutes et tous à la santé. A côté des mutuelles de santé, WSM soutient aussi l’approche de GK, au Bangladesh. L’amélioration des services de soins de santé pour la population rurale, en particulier les femmes et les enfants, est devenue le point de départ de ce qui est en réalité un vaste programme de développement communautaire.

GK a commencé comme un hôpital de campagne pendant la guerre d’indépendance en 1971. GK, qui signifie « Centre de santé populaire », s’est fixé comme objectif principal « les soins de santé pour tous ». En se concentrant sur les pauvres, GK a commencé par fournir des soins de santé préventifs et primaires dans les zones rurales environnantes où l’accès aux services de santé était presque inexistant. Au fil des ans, GK a développé toute une gamme de services de protection sociale, car une bonne santé ne dépend pas seulement de bons services de santé. GK gère aujourd’hui des programmes dans de nombreux domaines tels que l’éducation, la formation professionnelle, la nutrition, l’agriculture, les revenus, la recherche sur les vaccins et les médicaments. La clé du succès de cette approche intégrée est l’autonomisation des pauvres, en particulier des femmes et des enfants. L’organisation emploie actuellement plus de 5000 personnes.

Tout a commencé avec les soins de santé en porte à porte. Le personnel visite les gens chez eux et les soigne là-bas, pour s’assurer que les femmes et les enfants voient un infirmier-ère ou un-e médecin de temps à autre. Des services de santé secondaires et tertiaires sont également proposés par GK dans ses cliniques et ses hôpitaux. Au fil des années, GK a ensuite commencé à mettre au point différentes interventions dans des domaines tels que l’éducation, la formation professionnelle, la nutrition, l’agriculture, la génération de revenus et la recherche de vaccins et de médicaments, car la santé ne consiste pas uniquement à prévenir ou à traiter les maladies. Les conditions dans lesquelles les gens grandissent, vivent, travaillent et vieillissent ont une grande influence sur la santé des personnes. GK a commencé à agir très rapidement sur les déterminants sociaux de la santé. Ce faisant, on pourrait dire que GK offre toute une gamme de services de protection sociale pour assurer non seulement la bonne santé des personnes, mais également leur bien-être général.

En conséquence, GK n’est pas seulement une ONG active dans le secteur de la santé, c’est une organisation de développement communautaire dotée d’une approche intégrée ou globale. Le développement de la communauté n’est pas un travail extérieur, mais la volonté de changement doit venir de l’intérieur : les membres de la communauté, en particulier les pauvres et les femmes, les chefs de village, les imams et les prêtres, les représentants élus de leurs gouvernements locaux etc. GK les a regroupés au sein de « comités de développement villageois » et a limité son rôle à fournir une expertise technique et un soutien. La communauté est l’agent, GK est l’animateur.

Cette recette de développement communautaire fonctionne très bien. Il est appliqué depuis 40 ans maintenant et a donc fait ses preuves. Le travail de GK au niveau local a été la base d’une véritable transformation des communautés. Les gens ont changé d’attitude vis-à-vis de leurs soins de santé, de la scolarisation de leurs enfants, du statut des femmes dans leurs communautés. C’est aussi la meilleure garantie que les changements au niveau local – changements d’inclusion sociale, d’égalité, de résilience – soient durables.

Malgré tous ces résultats remarquables, il ne faut pas oublier que le développement de GK n’a pas toujours été facile. Plusieurs infirmières ont subi des attaques lorsqu’elles sont entrées dans les villages à vélo et sans burka. Les propriétés de GK ont également fait l’objet d’attaques.

GK peut être considéré comme une organisation sociale dynamique, continuellement en réponse à de nouveaux défis, explorant toujours de nouvelles opportunités, mais sans perdre de vue sa vision, ses objectifs et ses stratégies, qui constituent les lignes directrices principales de toutes ses activités.

Le modèle proposé par GK est centré sur les personnes et a fait ses preuves. En outre, il est abordable compte tenu du fait que ses coûts de prestation de soins de santé, par exemple, sont quatre fois moins élevés que dans le secteur de la santé publique. Il est efficace car il implique la communauté et les pouvoirs publics à tous les niveaux. Toutes ces considérations suggèrent que le gouvernement du Bangladesh pourrait reproduire le modèle au niveau national. Si le gouvernement décide de le faire, GK est certainement prêt à jouer son rôle. Dr Kadir, directeur de GK, l’affirme : « Il faut beaucoup plus de services de santé. Les services gouvernementaux sont insuffisants et fonctionnent souvent mal. Ils ne répondent aux besoins que de 30 % de la population totale. En outre, il y a un manque de personnel, de médicaments et de lits d’hôpitaux. Un autre problème important au Bangladesh est la façon dont les gens sont informés sur les maladies et les soins de santé en général. Par exemple, dans certains villages, on dit aux gens qu’ils ne devraient pas donner de l’eau à leur enfant s’il souffre de diarrhée, mais ne pas donner d’eau est très dangereux ! La privatisation du secteur est un autre gros problème. Pour de nombreuses entreprises, il est facile d’utiliser le manque de services de santé pour établir des hôpitaux et des institutions privés, auxquels seuls les riches ont accès. »

Un projet pilote d’assurance maladie pour les travailleurs du textile

Au Bangladesh, près de 4 millions de petites mains cousent nos vêtements, à des salaires très bas et dans des conditions de travail souvent dangereuses. La production de vêtements est l’industrie exportatrice qui rapporte le plus à l’économie du pays. Elle a donc eu un impact significatif sur l’économie urbaine du pays, les revenus d’exportation, et a transformé la vie de beaucoup de femmes de foyers pauvres. En effet, les femmes représentent 80 à 85% du total des 4 millions d’employés du secteur.

Il y a un peu plus de 6 ans, le bâtiment Rana Plaza s’effondrait à Dhaka, au Bangladesh. Une catastrophe en vies humaines, mais une catastrophe aggravée par l’absence totale de protection sociale… Ce n’est que grâce à la pression internationale qu’un fonds d’indemnisation a finalement pu être mis sur pied, deux ans seulement après la catastrophe !

Depuis, les partenaires de Solidarité Mondiale veulent aller plus loin. GK, comme organisation spécialisée dans la santé communautaire, qui s’engage pour l’émancipation des femmes et des plus pauvres du pays, et le syndicat NGWF qui, lui, organise près de 45.000 travailleurs du secteur textile. Ensemble, ils s’organisent sur place pour la création d’une assurance maladie qui couvrirait les frais médicaux des travailleurs.

Car sur place, la vie s’organise sans protection sociale. En cas de maladie ou d’accident, le travailleur est forcé de s’arrêter, mais sans aucun revenu de remplacement, et en prenant en charge seul l’ensemble des coûts des soins médicaux (très chers !). Les entreprises contournent les maigres obligations légales qu’elles ont de fournir des services minimum de soins de santé. Les longues heures de travail conjuguées à de longues heures d’attente dans les hôpitaux publics rendent les soins souvent inaccessibles pour la majorité des travailleuses. Une situation inacceptable !

GK a dès lors réfléchi avec le syndicat NGWF à un projet d’assurance maladie pour ces travailleurs qui permettraient d’éviter ces effets délétères pour leur santé. L’objectif principal du projet, construit sur 4 ans afin d’en mesurer l’impact, est de donner accès aux travailleurs aux services de santé primaire et secondaire à des coûts avantageux, ceci afin d’améliorer leur état de santé, et par ricochet, leur productivité au travail. Après 4 ans, GK espère toucher 26.000 travailleurs dans cette phase pilote, dans cinq à huit usines.

WSM souligne le rôle des marques pour soutenir ces systèmes durables. Le coût de ces systèmes n’est rien à côté des bénéfices énormes qui sont retirés de l’industrie textile. Les marques ont la responsabilité de payer des prix suffisants par pièce produite pour permettre aux employeurs locaux de payer des salaires vitaux aux travailleurs. Une condition sine qua non pour qu’ils puissent se permettre de payer la part personnelle de l’assurance maladie.

Ce n’est finalement qu’une question de volonté politique… Mais pour ceux qui fabriquent nos vêtements, c’est une question vitale !

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