art 6 musosa

Afrique centrale : Quand les mutuelles de santé sauvent des vies !

Par Antoinette MAIA
We Social Movements Belgique
[1]

En République démocratique du Congo, tout comme dans les pays voisins – le Rwanda et le Burundi, seul un faible pourcentage de la population (de 5 à 10% maximum) bénéficie d’une couverture santé. C’est à ce grand défi que s’attellent au quotidien les partenaires mutuellistes en Afrique centrale.

Promouvoir et développer une couverture santé universelle

Cette stratégie s’inscrit dans l’optique générale de compléter les interventions étatiques dans les domaines de la Couverture santé universelle (CSU). Celle-ci suppose que chaque individu devrait être en mesure d’avoir accès à des soins dont il a besoin (promotion, soins préventifs, curatifs, rééducatifs et palliatifs), d’une qualité suffisante pour être efficaces, sans subir de difficultés financières. Cela implique l’équité dans l’utilisation des services, la qualité et la protection financière.

D’ici 2021, les partenaires de WSM en RD Congo – comme au Burundi – comptent réduire les barrières à l’utilisation effective des services et influer sur l’amélioration de leur qualité. Les trois approches présentées ci-dessous indiquent les défis majeurs des mutuelles et les stratégies mises en place pour les surmonter.

Synergie et travail en réseau

Une collaboration est mise en place entre les organisations syndicales, les plateformes d’appui aux mutuelles de santé et les coopératives agro-pastorales, d’une part pour les actions de plaidoyer politique et d’autre part pour faciliter la structuration des organisations paysannes et le renforcement de leurs capacités dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage et des mutuelles de santé.

Par exemple, en RD Congo, un réseau national multi-acteur s’est mis en place[2] : parmi ses préoccupations majeures, il y a l’appui à la mise en place des mutuelles corporatives (agriculteurs et éleveurs, médecins, …), et le plaidoyer politique pour le subventionnement des mutuelles de santé par l’Etat.

Le médecin conseil pour contribuer à l’amélioration de la qualité des services

La sous-utilisation des médicaments génériques, l’utilisation inappropriée des médicaments et le non-respect des normes par les prestataires, constituent de sérieux handicaps dans la réalisation de la couverture universelle en soins de santé. Pour en réduire les effets négatifs, les mutuelles de santé accompagnées par les partenaires de WSM, l’ANMC et la CSC ont intégré le métier de « médecin conseil » pour améliorer l’efficience des ressources. Il s’agit là d’un dispositif crucial, qui permet de contrôler les risques financiers, d’empêcher au maximum les abus en termes de sur-prescription, de surfacturation et de surconsommation, mais aussi de veiller à la qualité de l’offre.

La mise en place de dispositifs de concertation entre prestataires, bénéficiaires et régulateur

La réalisation de la CSU requiert impérativement la mobilisation d’acteurs aux rôles distincts, mais complémentaires. Si la mobilisation de la population et la voix qu’elle se donne à travers les mutuelles de santé est cruciale, il n’est pas possible de réussir sans qu’une offre de qualité soit proposée à la population. Les prestataires doivent devenir avant tout des partenaires privilégiés dans le combat pour la CSU. De la même manière, si on veut réussir à généraliser le droit à des soins de qualité, l’Etat doit jouer son rôle normatif et régulateur, et disposer de moyens pour le faire. En proposant de mettre en place des dispositifs d’échanges et de concertation entre les trois parties, tant à l’échelle nationale que dans les provinces, c’est déjà un embryon de système de concertation qui voit le jour.

Des mutuelles dynamiques

En RDC, beaucoup d’initiatives locales de création de mutuelles de santé ont été lancées en matière de protection sociale en vue de répondre au troisième pilier national de développement durable et à l’accès aux soins de santé des populations à revenus faibles. C’est dans ce cadre que WSM et ses partenaires se sont centrés sur la promotion des mutuelles de santé en RDC, consolidant des programmes initiés en la matière depuis de longues années pour certains d’entre eux, comme, par exemple, au sein de la MUSOSA (Mutuelle de Solidarité pour la Santé) basée à Butembo dans le Nord Kivu, en partenariat avec la MC Saint-Michel. La MC a en effet choisi de soutenir l’émergence d’initiatives mutualistes, mais aussi de s’en inspirer, dans une double démarche d’ouverture et d’échanges.

Grâce à la formation, à l’accompagnement, au développement d’initiatives d’économie sociale, des centaines de milliers de personnes sont prises en charge et peuvent être sauvées, comme en témoigne cette maman : « Mon fils, Fufu Mafu, âgé à l’époque de deux ans, souffrait de paludisme. Le fait d’être affiliée à une mutuelle lui a sauvé la vie. J’ai reçu une facture, mais je n’ai payé que la moitié ; l’autre moitié a été prise en charge par la mutuelle. »

Plate-forme de Lomé : un grand tournant !

Début d’année 2019, WSM et la Mutualité chrétienne avec les organisations partenaires africaines étaient présents à la Conférence de l’AIM (Association internationale de la Mutualité) qui se tenait au Togo.

« Aller chez le médecin quand c’est nécessaire, sans avoir de problèmes financiers … ne voulons-nous pas tous cela ? ». C’est également l’un des Objectifs de développement durable. Dans ce contexte, les États africains travaillent à un rythme effréné à l’introduction de la Couverture maladie universelle – en abrégé CMU – qui vise une couverture sanitaire universelle. “Ce n’est que grâce à des mutualités solides que le plan aboutira”, a déclaré la deuxième Conférence internationale de l’AIM. Une Conférence qui a réuni plus de 200 dirigeants de fonds d’assurance maladie de 30 pays d’Afrique et d’Europe. Ils représentent environ 240 millions de personnes. Sur le thème « Défis pour la mutualité au 21e siècle », la Conférence a attiré l’attention sur le rôle des mutualités dans la réalisation de la CMU et, plus largement, dans la mise en place d’un socle de protection sociale. Parce que « pas de justice sociale sans protection sociale » !

Pour chaque personne

L’entrée dans la CMU est le premier objectif. Les pays africains ont conclu des accords à ce sujet. Mais comment, en tant que gouvernement, donner la garantie que celle-ci puisse atteindre l’ensemble de la population du pays, si tous les habitants de ce pays ne s’enregistrent pas, sans parler du fait d’avoir un emploi formel qui leur donne accès à la sécurité sociale ?

« C’est pourquoi nous avons besoin de systèmes accessibles à tous, même pour le fermier de son village éloigné ou la vendeuse de poisson fumé sur le marché » déclarait Jean Hermesse, Secrétaire général de la Mutualité chrétienne, lors de cette conférence. « Ces personnes font partie de l’énorme secteur informel, qui regroupe plus des trois quarts de la population africaine. Si ce groupe tombe du bateau, il est difficile pour vous de parler d’un système universel. »

Engagement collectif

Un système universel ne peut naître que d’un engagement collectif des gouvernements et de la société civile dans lequel un cadre juridique reconnaît le rôle fondamental des mutualités. Ces dernières permettent de construire une société solidaire par le bas à travers leur réseau dense de villages et de communautés. Elles ne sont peut-être pas rentables, mais elles font beaucoup plus que rendre les soins de santé abordables. En discutant avec les gouvernements et les prestataires de soins de santé, elles fournissent également une meilleure gamme de soins.

La deuxième Conférence internationale de l’AIM s’est terminée par l’approbation générale de la Plateforme de Lomé, une déclaration collective et adressée aux gouvernements et aux organismes internationaux concernés. Document en ligne : https://www.aim-mutual.org/mediaroom/les-documents-de-la-conference-de-lome-sont-en-ligne/?lang=fr

[1] Sources : A partir de différents articles rédigés par des collaborateurs de WSM en RD Congo.

[2] Le réseau multi-acteurs en RDC réunit deux organisations syndicales (CSC et SYNAMED), la plateforme des organisations d’appui aux mutuelles de santé, la Chaire de la Dynamique Sociale (CDS), la Confédération Nationale des Producteurs agricoles et éleveurs du Congo (CONAPAC) et le Centre de Production de Semences (CEPROSEM).

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