sans-papiers santé - crédit Collectif Krasnyi

Mouvements n°2 – Résister au temps du corona

Thomas Englert
MOC Bruxelles

Leurs crises, nos morts

La crise du corona frappe partout et perturbe tous les aspects de nos vies. Si elle est un événement global et total, nous ne sommes par contre pas égaux.ales face aux crises en cours. La pandémie ressemble à un concentré et une accélération de toutes les injustices et  dominations de notre société capitaliste. En d’autres mots, la pandémie est un terrain de luttes.

Partout, les employeurs orientent les aides d’urgence de l’État vers les entreprises, en particulier vers les secteurs les plus puissants au dépens des petits indépendant.e.s par exemple. Dans le même temps, les licenciements et les restructurations se succèdent, les salaires sont gelés et les employeurs imposent des conditions de travail toujours plus précaires. Avec la socialisation des pertes et l’imposition des coûts de la crise aux travailleur.euse.s, on soutient surtout les profits des actionnaires.

Sous la pression du patronat, les gouvernements refusent de reconnaitre le travail et les transports comme des lieux majeurs de contagion. Inadaptées et insuffisantes, les mesures y sont mal ou peu appliquées. Les travailleuses qui ne peuvent pas télétravailler – et leurs familles – sont donc sacrifiées au nom du maintien de la production. Mis en échec, les gouvernements ont adopté une politique toujours plus répressive, paternaliste et autoritaire. Celle-ci s’appuie sur un discours qui désigne les «  groupes spécifiques  qui ne respectent pas les mesures»  : les pauvres, les racisé.e.s et les sans-papiers comme les coupables de la résurgence de l’épidémie. Sans surprise, ce sont les mêmes qui sont en première ligne dans des entreprises face au virus et à la destruction de leurs conditions de travail. Les omissions, le mépris pour les avis scientifiques (validés par la suite) et les grands écarts que cette approche implique ont sapé la légitimité et donc l’adhésion de la population aux mesures. Pourtant, la lutte contre l’épidémie ne peut être une réussite si elle se fait sans nous et contre nous.

Ces mêmes «  groupes spécifiques  » sont aussi ceux que l’on désigne comme des héroïnes pour masquer qu’iels travaillent dans des entreprises où l’organisation du travail dégradée depuis des années (manque de personnel et de place, cadences, …) ne permet pas de maintenir les distances et les mesures d’hygiène; ou bien dans des services publics détruits par des années d’austérité, où trop peu de personnel doit s’occuper de nos enfants, malades ou ancien.ne.s. La destruction de ces derniers et les mesures de confinement reportent une fois de plus une charge supplémentaire sur les femmes pour les soins et le travail domestique (rétribuée ou invisible). Pour certain.e.s, coursier.e.s ou sans papiers, il n’y a aucun soutien ni protection, alors qu’elles comblent les lacunes de nos systèmes de production, de distribution et de soins.

Partout, du Cambodge au Brésil en passant par la Belgique et le Liban, les travailleur.euse.s ne sont pas passifs, partout iels s’organisent non seulement pour défendre leur travail – essentiel – mais aussi pour que « la honte change de camp ». Les mobilisations ne se confinent pas. A l’image du retrait des travailleur.euse.s de la STIB, leur engagement pour le service public et des entreprises sures et saines pour les travailleur.euse.s, est aussi et peut-être d’abord au profit de la santé de tou.te.s. Face aux crises sanitaire, économique, sociale et écologique, iels sont la solution. Notre devoir est de les soutenir.

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