Chou 96 – Attention, chantier démocratique ! Contre les illusions racistes et sécuritaires.

Édito

par Myriam DJEGHAM
Secrétaire fédérale du CIEP-MOC Bruxelles

Bruxelles a été touchée en plein cœur par des attentats terroristes. Elle n’est malheureusement pas la seule ville à l’avoir été. Des mesures politiques s’imposent pour arrêter l’horreur. Mais pour décider lesquelles, il faut analyser le terreau qui nourrit le terrorisme et veiller avec le plus grand soin à ne pas l’alimenter. Nous sommes conscient-e-s de l’impact désastreux des politiques impérialistes et interventionnistes tant militaires que commerciales au Proche Orient : les traiter de façon sérieuse demanderait évidemment plus d’un Chou ! En revanche, vu notre ancrage régional bruxellois, nous avons jugé pertinent de partir d’ici, notamment du vécu des populations musulmanes si souvent montrées du doigt comme responsables du chaos.

Partir d’ici… je saisis d’abord la formule au bond, pour vous proposer un saut en Tunisie. Non pas pour partager les photos de mon dernier passage là bas, ni pour rappeler que le pays a été victime de plusieurs attentats, mais parce que c’est de là que partent, proportionnellement, le plus de jeunes vers la Syrie. Plus de 6000 jeunes ont quitté la Tunisie pour rejoindre Daech pour une population quasi équivalente à la Belgique. Pourquoi une telle adhésion des jeunes Tunisiens ? Les causes sont, comme toujours, multifactorielles, mais la première raison évoquée est socio-économique. Le salaire minimum est en dessous de 150 €, pour celles et ceux qui ont la « chance » d’avoir un emploi alors qu’un loyer moyen dans un quartier modeste s’élève à… 150 €. Les jeunes précaires, fragilisés par l’échec scolaire, le chômage et l’absence de perspectives d’avenir, sont les premières cibles de certaines mosquées qui profitent de leur fragilité pour les endoctriner. Le printemps tunisien n’a pas tenu ses promesses de construire les conditions matérielles et morales de la dignité d’un peuple, mettant à nu les dégâts de 50 ans de dictature, depuis l’absence de partage des richesses jusqu’à l’absence de culture de critique politique.

Ce très bref voyage suffit : là-bas comme ici, et ici comme là-bas, nous est rappelée l’importance d’écoles émancipatrices, d’une économie qui réponde aux besoins des populations, d’espaces démocratiques de construction collective d’une société plus juste et égalitaire qui rende à chacun-e sa dignité. Or ici même, des esprits bizarrement tournés ne manquent de dire, et même de faire croire, qu’un régime fort, avec l’armée dans les rues, l’état d’urgence et la limitation des libertés individuelles et collectives, serait des plus salutaires ! Mais bien sûr, toute comparaison entre le régime de Ben Ali et les mesures prises l’an dernier en Espagne avec la loi « baillon » ou en France comme en Belgique suite aux attentats, ne pourrait passer que pour fortuite … Plus que jamais, pour la justice sociale, pour une démocratie réelle, contre le racisme et les divisions de la classe ouvrière, soutenons le plan d’action syndical, un maillon essentiel pour asphyxier le terreau du terrorisme.

 

 

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